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LA COUR MUNICIPALE DE REPENTIGNY ACQUITTE UN RÉSIDENT NOIR D’UNE ACCUSATION DE POSSESSION D’UN OUVRE-LETTRE COMME ARME BLANCHE



Montréal, 22 septembre 2020 — Un père noir qui avait été arrêté, menotté et accusé de possession d’une arme blanche par trois policiers de Repentigny dans un parc de son quartier a été acquitté par un juge de la Cour municipale de Repentigny.

Le 15 septembre 2019, monsieur Hèzu Kpowbié, spécialiste en techniques numériques dans une entreprise de média, se promenait avec son fils de 8 ans et deux de ses amis de race blanche, dans le parc du Moulin à Repentigny, près de chez lui.

L’un de ceux-ci a laissé tomber un ouvre-lettre dont il voulait se servir il pour réparer la roue d’une petite voiture jouet. Monsieur Kpowbié le ramasse et, alors que les trois enfants vont faire du vélo, il s’assoit avec l’ouvre-lettre à la main sur un banc, pour regarder une partie de baseball qui se joue dans le parc.

Soudainement, il voit arriver un policier braquant son pistolet sur lui et lui demandant en hurlant de laisser tomber son « couteau ». Deux autres policiers arrivent quelques secondes plus tard et, leurs armes braquées sur lui, ils lui ordonnent de se coucher au sol.

Choqué par ce déploiement d’armes à feu contre lui et terrorisé par l’idée qu’il pourrait être abattu au moindre geste, M. Kpowbié obtempère et s’allonge sur le sol. Les policiers le menottent et le détiennent dans une voiture de police pendant une trentaine de minutes.

Il reçoit un billet de contravention de 150 $ pour « se trouver avec une arme blanche » puis les policiers le libèrent après lui avoir confisqué l’ouvre-lettre.

«Dans l’espace de quelques secondes, je me suis dit, « ces policiers vont m’abattre, comme on le voit souvent aux États-Unis et même au Canada avec les Noirs. Les policiers n’ont même pas voulu écouter mes explications que l’ouvre-lettre n’est pas une « arme blanche », dit. M. Kpowbié.

Le 17 septembre dernier, M. Kpowbié, sa conjointe et son fils, accompagnés par la mère de l’enfant qui a apporté l’ouvre-lettre au parc, se présentaient à la Cour municipale de Repentigny. Suite aux témoignages de ces personnes, le juge a acquitté M. Kpowbié. Aucun des policiers responsables de l’incident n’est venu témoigner à la cour.

Le juge a même dit à la procureure de la Ville que M. Kpowbié avait eu un comportement de bon citoyen en ramassant un ouvre-lettre qu’un enfant avait échappé, et en le gardant en sa possession le temps de le lui remettre une fois de retour chez eux, et que d’autres personnes auraient fait la même chose. Le juge semblait aussi questionner le motif de l’émission du billet de contravention par des policiers et le maintien de l’accusation pénale.

Au prononcé du verdict d’acquittement, des applaudissements bien sentis se sont fait entendre dans la salle, de la part d’une dizaine de citoyens présents dans la salle.

« Cet épisode soulève de nouveau la question du comportement des policiers de Repentigny et sur la gestion de l’incident par la Direction de la poursuite. Heureusement, la décision du juge nous aide à conserver notre confiance envers la justice », dit M. Kpowbié, encore ému par la réaction des citoyens dans la salle.

Le CRARR a assisté M. Kpowbié dans le dépôt de plaintes pour profilage racial auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et auprès du Commissaire à la déontologie policière, considérant que la race de M. Kpowbié a été un facteur dans l’intervention des policiers.

En avril dernier, le Commissaire à la déontologie policière a rejeté la plainte à l’étape de la pré-enquête, en déclarant que « l'arrestation du plaignant et son menottage, le temps de compléter les vérifications, a été faite selon les procédures habituelles (…) et que les policiers pouvaient rationnellement considérer que le plaignant était en possession d'une arme blanche et émettre un constat d'infraction sur cette base ».

Dans cette décision, le Commissaire a aussi déclaré : « Ayant déterminé qu’une intervention à haut risque était justifiée compte tenu des circonstances, je n'ai aucun motif me permettant de croire que la race ou la couleur du plaignant a joué un rôle dans la façon dont les policiers ont agi dans la présente situation ».

« Le Commissaire aurait dû attendre le résultat du procès, au cours duquel les témoignages des parties ont été entendus, au lieu de décider de rejeter la plainte au stade très préliminaire de la pré-enquête et seulement sur la base de la preuve documentaire policière dont on se doute bien qu’elle ne pouvait être auto-incriminante », note le directeur général du CRARR, Fo Niemi.