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UNE PLAINTE CONTRE EMPLOI-QUÉBEC PEUT FACILITER L'ACCÈS DES IMMIGRANTS À LA FORMATION


Montréal, 9 septembre 2010 --- Une plainte de discrimination déposée par le CRARR au nom d'un immigrant hautement spécialisé contre Emploi-Québec pourra améliorer l'accès des nouveaux arrivants formés à  l'étranger aux programmes de formation professionnelle.

L'impact de la plainte, acceptée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pourrait être particulièrement positif pour les groupes racisés tels que les communautés arabes et noires, qui subissent des taux de chômage disproportionnellement élevés (29 % pour les ressortissants du Maghreb, selon Statistique Canada en 2008).

MB, d'origine franco-algérienne et titulaire d'un Doctorat en Sciences de la Vie et de la Santé, de la Faculté de Pharmacie de l'Université de Nantes en France, a immigré au Québec en 2008. Il vit à  Montréal où il occupe quelques emplois peu rémunérants dans des domaines loin de sa formation et de ses expériences scientifiques. MB constate que sa formation à  l'étranger et sa spécialisation ainsi que son statut social compliquent ses efforts d'obtenir un emploi dans son domaine, le pharmaceutique ou l'agroalimentaire, notamment à  cause du fait que depuis juin 2008, il n'a pas travaillé dans son domaine.

En janvier 2010, suite à  la référence d'Emploi-Québec (EQ), MB a deux rencontres avec un organisme conseil pour faire une évaluation de ses besoins relatifs au bilan de compétence. Après ces réunions, on lui dit qu'il n'a pas besoin de faire cette démarche de bilan car ayant déjà  effectué la démarche en 2009.

En mars 2010, après avoir été conseillée par des professionnels de son domaine et dans le développement de l'employabilité des immigrants, MB accepte de postuler à  des postes exigeant une formation et des expériences inférieures au niveau post-doctoral, tels le poste de technicien, en raison des obstacles systémiques (dont une bonne connaissance de la réglementation du Canada et des États-Unis dans le domaine du contrôle et de la production pharmaceutique et agroalimentaire). Il modifie même son C.V. afin de ne pas révéler son doctorat.

Également, MB transige avec le bureau d'EQ de Mercier, près de sa résidence, en vue d'obtenir l'appui financier à  une formation pour devenir agent de recherche clinique dans le domaine pharmaceutique. Mais les obstacles persistent.

D'abord, les conseillers d'EQ lui disent que son niveau de compétence et de spécialisation lui permettent facilement de trouver un emploi dans son domaine. Ils refusent d'accepter son explication relative aux normes différentielles et aux ostacles de discrimination, sous prétexte que la discrimination raciale n'existe pas dans le marché du travail. Ce refus a été décidé sans même avoir complété une évaluation de la situation de MB.

En outre, on l'informe qu'EQ ne finance pas les formations à  court terme, que ce genre de formation est destiné aux immigrants dont les diplômes ne sont pas reconnus (ce qui n'est pas son cas, ses diplômes étant reconnus par Immigration Québec), et que l'analyste du CLE Mercier trouve plusieurs annonces de postes qui correspondent à  sa spécialisation sur Internet et auxquelles elle pourrait postuler.

Suite à  la persistance de MB, un autre représentant d'EQ lui téléphone pour lui expliquer les motifs du refus et lui réfère à  une directive relative au Manuel d'interprétation normative des mesures et services d'emploi, dont l'Annexe 8 porte sur « la réorientation des personnes en emploi et sans emploi dans l'offre de service d'Emploi-Québec. Cette Annexe stipule, entre autres, qu'une personne sans emploi comme MB est éligible à  une subvention pour une réorientation quand :

a) La personne vit une situation personnelle qui présente un obstacle face à  l'emploi pour lequel elle a développé des compétences; par exemple elle :

  • ne peut plus exercer cet emploi pour des raisons de santé;

  • vit une situation familiale critique (par exemple : chef de famille monoparentale dont les heures de travail entraîneraient des conséquences négatives importantes sur l'organisation de la vie familiale).
  • Quand MB demande si son origine ethnique et son statut d'immigrant formé à  l'étranger constituent « une situation personnelle qui présente un obstacle face à  l'emploi pour lequel elle a développé des compétences », celui-ci répond négativement. Au 31 juillet 2010, MB se trouve donc sans formation et sans subvention pour se recycler.

    Considérant être victime de discrimination, MB mandate le CRARR de loger une plainte contre EQ auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Dans la plainte, le CRARR constate des éléments de discrimination directe et systémique dans les décisions d'EQ et réclame des dommages matériels, moraux et punitis pour MB ainsi que son admission à  un programme de formation.

    Quant aux dimensions de discrimination systémique dans les politiques d'EQ et l'application de celles-ci,qui ont des effets disproportionnellement négatifs sur les immigrants et les personnes racisées; le CRARR demande également à  la Commission des droits d'ordonner à  EQ :

  • « d'incorporer et de tenir compte dans son application et son interprétation de toute politique relative à  la formation professionnelle, la situation des personnes immigrantes et racisées qui vivent des obstacles disproportionnellement difficiles et élevés dans l'emploi, notamment celles originaires du Maghreb »; et
  • « de réviser les critères et les procédures de ses services et programmes afin de réduire et d'éliminer tout obstacle ayant comme effet de discriminer les personnes immigrantes et racisées, notamment celles originaires du Maghreb ».
  • Si cette plainte fait l'objet de décision judiciaire en faveur de MB, elle aura pour effet de modifier fondalement la manière dont EQ examine les demandes de formation professionnelle provenant des immigrants. Dans son Plan Emploi Métropole, publié en mai 2010, le ministère de l'Emploi et de Solidarité, qui gère le réseau Emploi-Québec, a reconnu la situation d'emploi des immigrants à  Montréal.

    Ceci constitue le deuxième cas de discrimination directe et systémique mené par le CRARR contre EQ. En 2009, il a logé une plainte au nom d'une avocate d'origine mexicaine qui a été forcée de suivre un programme de recyclage, au rythme accéléré, malgré une attestation médicale qu'elle doit ralentir ses études à  cause de son état de santé psychologique et sa situation de famille et malgré la politique d'EQ de tenir compte de « la situation des personnes handicapées ... (et) de certains clients de 45 ans et plus ». Quand EQ a refusé d'accommoder sa situation, la candidate se trouve dans un pire état psychologique et a dû obtenir des traitements médicaux et des dépenses majeures additionnelles.