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LA COUR MUNICIPALE DE LAVAL JUGE QUE DES POLICIERS ONT VIOLÉ LES DROITS CONSTITUTIONNELS D'UN CITOYEN NOIR



Montréal, 7 mars 2019 — Une juge a statué que deux policiers de Laval ont abusé de leur pouvoir et violé les droits constitutionnels d'un homme noir, en le harcelant, en se moquant de lui et en lui donnant un billet de contravention pour les avoir insultés.

Dans une décision rendue le 21 février dernier, la juge Chantal Paré de la Cour municipale de Laval a rejeté l'accusation pénale portée contre Pradel Content, un anglophone handicapé de race noire qui a reçu un billet de contravention de 77 $ pour insulte à un policier dans l'exercice de ses fonctions.

Le cas remonte au mois de juillet 2018. Alors que M. Content est devant sa résidence, discutant avec des voisins, vers 23 h 00, une voiture de police passe devant eux. Ayant été souvent interpellé et harcelé par la police de Laval, M. Content sort, par précaution, son téléphone portable pour filmer les policiers.

Les deux policiers arrêtent leur véhicule et ils lui demandent sarcastiquement en français s'il a un problème avec son téléphone. Un échange s'ensuit dans lequel M. Content invoque en anglais la protection de ses droits. Les policiers lui répondent par des sarcasmes et des moqueries.

Finalement, quand ils se décident à partir, M. Content lance le mot « Bitch » d'un ton exaspéré.

Une semaine plus tard, M. Content reçoit par la poste un billet pour avoir insulté un policier.

L'enregistrement vidéo pris par M. Content de l'interaction avec les policiers a convaincu la juge Paré que les deux policiers ont abordé M. Content sans motif valable, braqué sur lui un projecteur et ridiculisé M. Content alors qu'il n'avait commis aucune infraction au Code de la sécurité routière ni au Code criminel.

La juge note également que la version des policiers est contredite par la vidéo et elle conclut que leur intervention constitue un abus de pouvoir qui viole les droits constitutionnels de M. Content à sa sécurité et à sa liberté.

En outre, le comportement des policiers, ironique, méprisant et peu respectueux de M. Content, qu'ils ont « bousculé psychologiquement », amène la Juge Paré à conclure que les policiers ne pouvaient, à ce moment-là, être considérés comme étant dans l'exercice de leurs fonctions. Par voie de conséquence, ils n'avaient plus le pouvoir d'émettre à M. Content un billet de contravention en vertu d'un règlement municipal.

Malgré ces deux conclusions positives, la juge a rejeté l'allégation de profilage racial de la part des policiers.

« Je suis heureux que la Cour ait blâmé les policiers pour leur comportement », dit M. Content. « Ce genre d'agissements répréhensibles doit faire l'objet de sanctions fermes ».

« Cependant, je suis déçu que la Cour ait rejeté le profilage racial. Il n'y a pas eu de discussion à ce sujet lors de mon procès et donc je ne comprends pas comment elle en est arrivée à cette conclusion », dit il.

« Nous sommes d'avis que la juge a commis une erreur en se basant sur une définition caduque du SPVM concernant le profilage racial, selon laquelle un acte doit être « essentiellement » basé sur la race, ” précise le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

« Or, la Cour suprême a clarifié le fait que pour prouver la discrimination ou le profilage, il suffit que la race soit un facteur », ajoute M. Niemi. « Il n’est pas nécessaire de prouver qu’un acte soit « essentiellement » basé sur la race, ce qui est un fardeau de preuve très élevé ».

« Nous considérons faire appel sur ce point afin d'éviter qu'une définition erronée du profilage racial ne fasse jurisprudence », ajoute-t-il.

L'automne dernier, le CRARR a assisté M. Content dans le dépôt de plaintes auprès du Commissaire à la déontologie policière et de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. Content a actuellement trois dossiers devant ces organismes, en rapport avec d'autres incidents à Laval en 2017. Dans un cas, le Commissaire à la déontologie policière a cité un policier devant le Comité de déontologie policière pour une douzaine d'infractions au Code de déontologie des policiers.