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DES PARENTS D'ENFANTS AUTISTES DÉPOSERONT DES RECOURS CONTRE LES AGENCES DE SANTÉ ET LES ÉCOLES POUR DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE



Montréal, 15 avril 2018 — Des parents d'enfants autistes entreprendront une action en justice contre les organismes de santé et les commissions scolaires qui ont négligé de fournir à leurs enfants autistes les soins, le soutien et la protection que requiert leur condition. Pour ces parents il s'agit de violations des droits de ces enfants et de discrimination systémique.

Lors d'une conférence de presse tenue aujourd'hui, les parents présents ont déclaré être prêts à déposer des plaintes auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour discrimination fondée sur le handicap et la condition sociale. Ils encouragent les parents et les personnes vivant avec le trouble du spectre de l'autisme (TSA) à se joindre à eux pour contester la diminution continue des ressources et des services offerts aux personnes autistes, forçant plusieurs à tomber dans le désespoir et la pauvreté.

Une étude de l'Agence de la santé publique du Canada publiée le mois dernier estime qu'au Québec, un jeune entre 5 et 17 ans, sur 64, est diagnostiqué avec le TSA. On estime qu'il y a au Québec, tout âge confondu, 140 000 personnes avec le TSA. En comptant l'entourage familial, cela fait environ 500 000 Québécois qui sont confrontés aux défis de l'autisme.

Il n'y a actuellement aucune stratégie fédérale sur le problème de l'autisme. Alors que l'Ontario a annoncé en 2016 un plan quinquennal avec un budget de 333 million $, soit plus de 65 millions $ par année, pour l'aide à 40 000 enfants et jeunes autistes, le Québec, quant à lui, a un plan d'action 2017-2022 avec un budget de 29 millions $ par an.

Au Québec, les enfants autistes et leurs parents sont nombreux à faire face à des obstacles systémiques au niveau des services sociaux, de la santé et de l'éducation, dont :

❏ De longues listes d'attente pour un diagnostic dans un CLSC ou un hôpital et un accès difficile aux soins spécialisés dont les services d'ergothérapeutes et d'orthophonistes. L'attente pour une Intervention Comportementale Intensive (ICI) peut atteindre 18 mois. Et, quand leur tour est arrivé, les familles sont souvent informées de l'inadmissibilité de l'enfant car il a dépassé l'âge limite ;
❏ Le manque d'accès aux professionnels formés en TSA et en déficiences intellectuelles (DI) : plusieurs centres de réhabilitation ont réduit le nombre de spécialistes en TSA et ID, et, de plus, ils embauchent du personnel qui n'a pas une formation suffisante en TSA, ce qui aggrave la condition des enfants et des jeunes autistes ;
❏ Le manque de ressources éducatives accessibles aux jeunes avec TSA : Plusieurs écoles n'offrent aucun accommodement pour ces jeunes, par manque d'éducateurs et d'enseignants qualifiés. Le manque de soins a pour conséquence l'expulsion des élèves avec TSA et leur scolarisation à domicile ;
❏ Des interventions comportementales inadéquates menant à une sédation excessive ou une augmentation des comportements agressifs et inadaptés : Le manque de soins thérapeutiques individualisés expose les enfants et les jeunes avec le TSA au risque de développer des dysfonctionnements permanents obligeant les institutions à les enlever de leurs foyers ;
❏ Le manque de services de soutien crée un fardeau excessif pour les aidants allant jusqu'à causer la précarité financière : Le manque de soins, de soutien éducatif et de services de garderie force les parents à assumer les coûts des soins et, dans certains cas, à abandonner leur emploi pour s'occuper à temps plein de leur enfant ou à recourir à des services privés de thérapie pour l'autisme (les services d'orthophoniste peuvent coûter jusqu'à 5 000 $).

« Nous ne pouvons plus assumer le fardeau que nous impose le plan gouvernemental d'austérité et de privatisation », déclare Katharine Cukier, mère de Benjamin, un jeune autiste de 15 ans. « Il est inacceptable que les soins et la compassion envers les personnes avec TSA aient été remplacés par des exercices bureaucratiques de chiffres qui ont conduit des familles au désespoir et à la pauvreté ».

Dans le cas de Mme Cukier, le CRDI a mis un terme aux services d'un éducateur-visiteur et a manqué, pendant 9 mois, à son engagement de fournir des soins intensifs pour son fils en le dirigeant vers un foyer pour groupe, tout à fait inapproprié, lorsqu'il a fait une grave crise d'autisme en 2017. Mme Cukier et sa famille ont vu défiler plus de 40 soignants en 30 jours et le manque de continuité dans les soins n'a fait qu'aggraver la condition de leur fils.

Sam Kuhn et sa fille Charlotte ont eu eux aussi à souffrir des longues attentes et des coûts élevés des traitements. Lorsque Charlotte avait 18 mois, sa famille s'est adressée aux services publics et a dû attendre 3 ans pour finalement obtenir un diagnostic d'autisme. Aujourd'hui, Charlotte a 7 ans et est pratiquement non-verbale. Si elle avait reçu à temps des soins d'orthophonie, elle serait aujourd'hui en mesure de parler.

« Comme d'autres parents, je n'ai pas les moyens de débourser les milliers de dollars que demande un orthophoniste privé et la conséquence est que ma fille a perdu un temps précieux pour être fonctionnelle comme les autres enfants de son âge », dit M. Kuhn.

Il y a aussi le cas de Claudia Taboada dont le fils, maintenant âgé de 17 ans, est autiste. Mme Taboada, avocate, a dû cesser de pratiquer sa profession en 2003 pour se consacrer à plein temps aux soins de son fils. Les obstacles et les longues listes d'attente pour son inscription à des services publics et l'échec de trois tentatives d'inscription à des écoles entre 2007 et 2011, l'ont forcée à scolariser son fils à domicile.

« Les coupures budgétaires par le gouvernement ainsi que le manque de ressources dans les écoles ont un effet discriminatoire sur les femmes parce que ce sont le plus souvent les mères qui sont forcées d'abandonner leur emploi pour s'occuper de leur enfant », a déclaré Mme Taboada.

Cette situation est aussi celle de Mme Kathleen Savail, jeune mère de deux enfants autistes, que le manque de services dans sa région, à Mirabel, oblige à abandonner son plan de carrière.

« On dirait que le Québec néglige ses enfants autistes, mais aussi leurs mères qui sont forcés à rester dans leur foyer comme autrefois », dit-elle. « C'est une façon déguisée de renvoyer les femmes chez elles », selon elle.

Selon une étude récente, on estime à 50% le nombre de mères d'enfants autistes qui quittent leur emploi dans les deux ans suivant le diagnostic.

Ces parents, à bout de patience envers le système, ont demandé au CRARR de les assister dans la préparation de plaintes à la Commission des droits de la personne. Le CRARR les assistera aussi dans la préparation d'un mémoire à l'intention du comité des Nations-Unies qui évaluera dans les prochains mois la performance du Canada en rapport avec la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

« La situation des enfants et des adultes autistes se doit d'être traitée dans une perspective systémique », a déclaré Fo Niemi, le directeur général du CRARR. « L'indifférence et les coupures budgétaires ont, au cours des années, gravement porté atteinte au respect des droits des enfants, des femmes et des personnes vivant avec un handicap. Il est donc temps que la performance du Québec en cette matière soit examinée de près par les tribunaux et par les instances internationales sur les droits de la personne », a conclu M. Niemi.