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PRESQUE SEPT ANS EN ATTENTE D'UNE DÉCISION DE LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE SUR UNE PLAINTE POUR DISCRIMINATION RACIALE DANS L'EMPLOI



Montréal, 26 février 2018 — Après sept ans d'attente, un homme d'origine haïtienne s'interroge sur le genre de protection que reçoivent les personnes noires lorsqu'elles se considèrent victimes de racisme et qu'elles portent plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

Arrivé au Canada d'Haïti en 2009, M. Jean Charles (un pseudonyme, à cause de son emploi actuel) postulait pour un poste d'inspecteur à la Société de transport de Montréal (STM) en 2010. Il avait passé toutes les étapes de sélection, y compris le test d'aptitude physique et le test médical, mais il avait échoué, selon la STM, à l'évaluation psychologique, ce qui avait mené au rejet de sa candidature en juillet 2011. Le CRARR a déposé une plainte en son nom, auprès de la Commission, pour discrimination raciale en octobre 2011.

M. Charles ne se doutait pas alors que, 7 ans plus tard, il serait encore en attente d'une décision de la Commission. Après un premier examen de la plainte, une conseillère de la Commission a recommandé la fermeture du dossier pour insuffisance de preuve. Cependant, le Comité des plaintes de la Commission, composé de trois commissaires, n'a pas retenu cette recommandation et a demandé une enquête pour, en particulier, la vérification de la validité du test psychologique effectué par un psychologue externe de la STM.

Le rapport d'enquête fut produit en octobre 2014 et la Commission a mis en cause le psychologue concerné. Depuis cette date, cependant, la Commission est demeurée silencieuse, sans expliquer pourquoi elle n'est pas en mesure de rendre une décision. Normalement, une fois l'enquête complétée, une décision est rendue dans l'espace de six mois.

En mars 2017, suite à une autre demande d'information du CRARR, la directrice adjointe des enquêtes a répondu que « le dossier est encore sous évaluation ».

« Un délai de sept ans pour enquêter sur une plainte, ainsi que l'incapacité d’expliquer ce délai ou de donner une date claire pour rendre sa décision, sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice», note le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

« Ce n'est pas la première fois que l'on voit ce genre de délai excessif avec le traitement des plaintes de racisme », dit-il, référant à une autre décision de la Commission rendue publique au début de 2017, pour une plainte de profilage racial déposée par le CRARR en 2009.

« Il est fort possible que le principe Jordan et le délai excessif soient invoqués tôt ou tard par les employeurs mis en cause pour faire échec aux plaintes de discrimination », déclare M. Niemi, faisant référence à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Jordan qui permet à la défense de demander un arrêt de procédure criminelle après un délai déraisonnable.

« Ce qui est le plus grave, ce n'est pas seulement que M. Charles ne reçoive pas la protection effective que lui garantit la Charte des droits, mais que les institutions et employeurs puissent se sentir libres de pratiquer à volonté la discrimination raciale à la barbe de la Commission des droits qu'ils considèrent comme de plus en plus inoffensive », déplore M. Niemi.

« Ce n'est pas un dossier avec un numéro qu'on traîne depuis sept ans, mais un homme noir qui a son droit à un emploi sans discrimination, à sa dignité et surtout, à une protection rapide et effective contre la discrimination ».

« Le silence des députés, des ministres et même du Barreau face à ce délai excessif à la Commission des droits de la personne ne peut que démontrer que l'accès à la justice pour les personnes noires ou les membres d'autres minorités racisées est, dans les faits, très loin d'être une priorité au Québec », conclut-il.

Au cours des sept dernières années, rares sont les cas de discrimination raciale dans l'emploi qui ont été portés par la Commission devant le Tribunal des droits de la personne.