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« LA VIE DES NOIRS EST À BAS PRIX AU QUÉBEC » : LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE RÉCLAME 2 000 $ POUR UN CAS DE PROFILAGE RACIAL



Montréal, 30 novembre 2016 — Dans une décision au sujet d’une plainte déposée il y a cinq ans par un jeune noir oeuvrant dans les communications audio-visuelles, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse conclut qu’il a été victime de profilage racial de la part de la police de Montréal et qu’il a droit à 2 000 $ de dommages moraux.

Selon la Commission, monsieur Marcus Gordon, un jeune homme noir dans la trentaine qui porte tes tresses longues et sa fiancée, qui est blanche, ont été victimes de profilage racial en mai 2011, lorsqu’ils ont quitté une soirée d’hommage à l’artiste hip hop Bad News Brown, au Métropolis.

Quand le couple est sorti de la salle de concert et a traversé la rue pour rejoindre sa voiture stationnée sur la rue Ste-Catherine, il y avait une douzaine de policiers appartenant au groupe anti-gang Éclipse du SPVM, qui se tenait devant le Métropolis et qui portait des gants noirs. Il y avait peu de circulation à ce moment.

Trois policiers, dont l’agent Danik Tanguay, ont intercepté le couple et remis à chacun un billet de 37 $ pour avoir traversé la rue illégalement. Durant l’interception, M. Gordon a remarqué d’autres piétons de race blanche qui faisaient la même chose sans être interpellés ou pénalisés par la police (voir YouTube, Long Life Productions x Racial Profiling in Montreal by Eclipse Police, https://www.youtube.com/watch?v=knV-_5AEst8). Le couple a été trouvé coupable de l’infraction plus tard par la Cour municipale.

Quelques jours plus tard, M. Gordon et Mme Mercier ont mandaté le CRARR pour déposer des plaintes en leur nom, citant le profilage racial et le traitement différentiel de la part des policiers. Dans leurs plaintes, le CRARR réclamait 10 000 $ de dommages pour chacun.

Malgré ces faits simples, la Commission a pris presque quatre ans pour compléter le traitement de la plainte. Une fois l’enquête terminée en janvier 2015, plus d’un an et demi se sont écoulés avant que le Comité des plaintes de la Commission délibèrent sur le dossier en octobre 2016. Malgré les demandes répétées de renseignement du CRARR, la Commission a refusé d’expliquer le délai d’un an et demi pour rendre sa décision.

M. Gordon a exprimé son désarroi et son incrédulité face au montant de 2 000 $ de dommages moraux. « Cinq ans d’enquête, et on arrive avec un montant si dérisoire ? Cela revient à 400 $ par année. C’est ça le coût du profilage racial et de la violation par la police de mes droits de la personne? » demande M. Gordon. « La vie des Noirs au Québec est à bas prix », selon lui.

« En tant qu’homme noir, je ne peux pas accepter d’être rabaissé à ce niveau », il ajoute.

Pour le directeur général du CRARR, Fo Niemi, le maigre montant de dommages moraux ainsi que l’absence de dommages punitifs pourrait signaler une nouvelle direction de la Commission dans la lutte contre le profilage racial au rabais. Plusieurs tribunaux au Québec et dans le reste du Canada ont établi à 10 000 $ le montant de dommages moraux dans ce genre de dossiers.

« En 2006, la Commission réclamait, pour nos premiers cas de profilage racial, des dommages moraux de 10 000 $. Dix ans après, le montant est revu à 2 000 $, ce qui va à l’encontre de la jurisprudence, de l’inflation et du gros bon sens », dit M. Niemi.

« Nous craignons que cette décision établisse un précédent préoccupant. Alors qu’il pourrait avoir comme effet de décourager les victimes de profilage racial de porter plainte auprès de la Commission, il envoie en même temps un message peu dissuasif aux policiers qui s’engagent dans des pratiques discriminatoires », ajoute M. Niemi.

Le CRARR a formellement demandé au Président intérimaire de la Commission, M. Camil Picard, de réviser cette décision.

Actuellement, il n’y a aucun gestionnaire ou membre de la Commission qui soit racisé. Une Commissaire noire anglophone et un Commissaire autochtone ont démissionné récemment, et un autre Commissaire noir est décédé en juin 2016, ce qui crée une situation où la Commission fonctionne sans aucun commissaire racisé ou anglophone qui siège au comité des plaintes et prend des décisions sur les plaintes de discrimination.