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ENSEIGNANTE MAGHRÉBINE RÉFUSÉE UN EMPLOI DANS UNE ÉCOLE FRANCOPHONE À CAUSE DE SON ANGLAIS INADÉQUAT



Montréal, 13 août 2013 --- La plainte de discrimination dans l’emploi logée par une enseignante maghrébine contre une école privée francophone située à Westmount, à cause de son anglais « inadéquat » et de son « accent prononcé », fera l’objet d’une enquête par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Mme K.C., une immigrante d’origine algérienne installée au Québec depuis presque 8 ans, possède plus de 16 ans d’enseignement de langue française dans son pays d’origine. Depuis son arrivée au Québec, elle a fait des démarches additionnelles pour des formations additionnelles afin d’améliorer son employabilité dans son domaine.

Comme un grand nombre de professionnels d’origine maghrébine, elle a de grandes difficultés quant à l’obtention d’un emploi à temps plein, se contentant d’emplois de suppléance en enseignement et d’éducatrice en service de garde en milieu scolaire.

L’été 2012, Mme K.C. a répondu à une offre d’emploi affichée sur le site web d'une école privée et présenta sa candidature. N’ayant pas de réponse, elle téléphona à l’école pour faire un suivi. Cette dernière prétend qu’ils n’ont jamais reçu sa candidature. Elle a dû la soumettre de nouveau. Deux mois plus tard, l’école lui a répondu que le poste est comblé. Par conséquent, on l’informa d’une éventuelle ouverture de poste dans une succursale située à Laval, mais n’ayant aucun moyen de transport, elle refusa l’offre.

En novembre 2012, elle a reçu un appel de l’école pour un poste d’enseignante de français langue seconde pour des élèves en difficultés d’apprentissage, dans une succursale située à Westmount. Elle s’est présentée pour l’entrevue qui s’est bien déroulée, entièrement en français. Ce fut seulement à la fin de l’entrevue que l’on lui a posé une question en anglais, de manière informelle, comme si pour mesurer sa capacité de converser dans cette langue. Elle a répondit avec un anglais fonctionnel, démontrant sa capacité de compréhension et de conversation de la langue de Shakespeare.

Elle apprit plus tard que le poste a été comblé et que sa candidature n’a pas été retenue. Poussant un peu plus loin, elle est informée par téléphone que parmi les motifs de refus était le manque de fluidité de son anglais, que les représentants de l’école considéraient important pour entretenir des relations avec certains élèves et leurs parents qui sont majoritairement des anglophones de Westmount. Or, la connaissance de l’anglais parlée ne fait pas partie des exigences requises pour le poste.

Après quelques tergiversations, elle a décidé de mandater le CRARR de déposer une plainte, en janvier 2013, en son nom auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), alléguant la discrimination fondée sur la langue et son origine ethnique et que l’exigence de l’anglais est non seulement déraisonnable et discriminatoire.

Après avoir reçu la version des faits de l’école, un conseiller de la CDPDJ a recommandé la fermeture du dossier de plainte en se fondant sur la position de l’école à l’effet que l’école « requiert que la personne qui occupe le poste en question soit bilingue et affirme que cette exigence est un critère d’embauche essentiel et pertinent ... ». L’école soumet également que madame K.C. a de la difficulté à s’exprimer en anglais, … certaines lacunes tant au niveau du vocabulaire que de la syntaxe et un accent prononcé lorsqu’elle s’exprime en anglais, ce qui peut être problématique dans les circonstances … ».

En outre, le conseiller soutient que « l’article 46 de la Charte de la langue française prévoit un recours lorsqu’un employeur exige … la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que le français, à moins qu’il s’agisse d’une exigence ou qualité requise par cet emploi » et que « ce recours peut être exercé devant la Commission des relations du travail, instituée par le Code du travail ».

Dans sa soumission contestant la recommandation de fermeture, le CRARR soutient qu’il revient à l’école de prouver la justification du bilinguisme pour un poste d’enseignant de français langue seconde pour des élèves en difficultés d’apprentissage et de la connaissance de l’anglais comme étant « essentielle et pertinente ».

Par ailleurs, quant à l’observation que la plainte ne comporte aucun lien entre le refus d’embauche et l’origine ethnique ou nationale de Mme K.C., le CRARR souligne que le fait que l’école elle-même cite l’ « accent prononcé » de la candidate quand elle s’exprime en anglais pour justifier le refus; que l’accent de Mme K.C. reflète son origine arabe et que selon la jurisprudence canadienne, l’accent est une caractéristique personnelle liée à l’origine ethnique ou nationale. Par conséquent, on ne peut dissocier langue, accent et origine ethnique.

En fonction des arguments du CRARR, le comité des plaintes de la CDPDJ, composé de trois commissaires, rejette la recommandation de fermeture et demande une enquête.

Selon Mme K.C. « En tant que francophone et enseignante de français depuis plus de 16 ans, je ne peux accepter qu’une institution d’enseignement francophone à Montréal utilise, de nos jours, une exigence totalement arbitraire qu’est l’anglais pour décider de ma compétence pour occuper le poste d’enseignante de français langue seconde, ou mon soi-disant « accent prononcé » pour rejeter ma candidature ».

Dans la plainte, Le CRARR réclame, en plus d'une compensation pour perte de chance, 30 000 $ de dommages pour Mme K.C. ainsi que la mise en œuvre au sein de l’école d’un programme d’accès à l’emploi pour les minorités visibles, considérant l’absence de représentation adéquate de ce groupe parmi le personnel.