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10 000 $ APRÈS CINQ ANS : UN AGENT DE SÉCURITÉ D’ORIGINE ARABE POURSUIT L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE POUR RACISME DANS L’EMBAUCHE


Montréal, 23 janvier 2012 --- Un homme d’origine marocaine à qui on a refusé un emploi d’agent de sécurité en 2005 à l’École polytechnique de Montréal et qui a eu gain de cause devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), se verrait obligé de poursuivre à ses frais l’institution devant les tribunaux.

En 2005, M. Omar Chaârani postule pour un poste d’agent de sécurité à l’École polytechnique. Possédant sept ans d’expérience dans le domaine de la sécurité privée à Rabat, Maroc et deux ans au Québec, il a effectué avec succès l’entrevue de sélection et l’examen médical pré-embauche, mais l’institution n’a pas retenu sa candidature. En 2006, un nouveau responsable de la sécurité était en place et l’École Polytechnique était de nouveau à la recherche d’agent de sécurité; monsieur Chaârani postulait de nouveau et sa candidature a été retenue cette fois-ci.

Ce fut à ce moment qu’il a découvert plusieurs éléments de preuve, dont les témoignages de certains collègues de travail, à l’effet qu’il n’a pas obtenu le poste en 2005 car le responsable du service ne voulait pas de candidats musulmans ou arabes dans son service. M. Chaârani constata également, en 2006, qu’il était le seul immigrant parmi les agents de sécurité en place et qu’avant son arrivée, il n’y avait pas d’agents issus des minorités ethnoculturelles.

Avec ces informations, il a logé des plaintes de discrimination raciale auprès des instances internes, dont l’Ombudsman de l’École Polytechnique, qui les ont ensuite rejetées. En juillet 2007, il mandate le CRARR de déposer une plainte en son nom auprès de la CDPDJ.

Quatre ans plus tard, en mai 2011, la CDPDJ rend une décision en sa faveur, recommandant que l’École Polytechnique lui verse 5 000 $ en dommages moraux et A.O., le responsable du service, 5 000 $ en dommages punitifs. En outre, la CDPDJ recommande à l’institution de lui « reconnaître … une ancienneté non concurrentielle rétroactive au mois de juin 2005 avec tous les droits et privilèges afférents à ce poste ».

Déjà troublés par le délai de quatre ans pour obtenir une décision, M. Chaârani demeure perplexe par le fait que la CDPDJ demeure silencieuse, dans sa décision, face au fait qu’à cause du rejet de sa candidature en 2005, il travaille encore à l’heure actuelle, sur une base surmunéraire et sur appel. En outre, la CDPDJ ne s’est aucunement prononcée sur les dommages matériels et la perte de salaires subis en 2005 et qu’elle refuse de lui fournir des explications à cet effet.

Or, selon les calculs effectués par son syndicat en fonction du salaire du poste en 2005, M. Chaârani aurait droit à des dommages matériels qui s’élèveraient à des milliers de dollars de plus de ce qui est réclamé, 6 ans après le refus discriminatoire.

Le CRARR et M. Chaârani sont également préoccupés par les montants de dommages moraux et punitifs qu’ils considèrent anormalement peu élevés, étant donné que dans d’autres cas, la CDPDJ a accordé des montants plus élevés, pouvant aller jusqu’à au moins 15 000 $ pour les dommages moraux.

« Cinq ans de perte monétaire à cause du racisme et d’attente de la justice, la Commission des droits de la personne me recommande un montant équivalent à 2 000 $ par année », note M. Chaârani.

« C’est un précédent inquiétant de voir que la Commission semble vouloir ignorer le fait que je subis encore aujourd’hui des conséquences de cette discrimination raciale en 2005 et qu’elle ne me recommande même pas le salaire que j’aurais dû avoir si ma candidature n’avait pas été traitée de manière discriminatoire », ajoute-t-il.

Pour Me Aymar Missakila, avocat au CRARR, cette décision suscite de sérieuses préoccupations : « Nous sommes étonnés par l’absence de mention de perte de salaires et d’avantages sociaux, de préjudices subis encore en 2011 et de dommages matériels, tout comme nous sommes préoccupés par des montants de dommages moraux et punitifs qui ne reflètent pas la gravité de l’acte dénoncé ».

« Avec des dommages moraux et punitifs si modestes, certains diraient que la Commission envoie un message équivoque quant au prix à payer pour la discrimination raciale dans l’emploi, surtout quand l’acte a été confirmé comme étant intentionnel », de dire Me Missakila.

Dans un autre cas défendu par le CRARR concernant un jeune Arabe à qui on a refusé en 2008 un poste de nettoyeur de toilettes pour des motifs discrimination, la CDPDJ a recommandé, l’été dernier, 13 000 $ en dommages moraux et punitifs et 5 000 $ en dommages matériels.