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47 000 $ POUR PROFILAGE RACIAL : UNE GRANDE VICTOIRE POUR LES MINORITÉS RACIALES ET LES RÉSIDENTS DE HLM


Montréal, QC, CANADA, le 17 janvier 2008 --- Après 4 ans d'enquête, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a conclu que les enfants de trois familles du quartier Saint-Michel ont été victimes de profilage racial et que la Ville de Montréal doit payer 47 000 $ en dommages, en plus de mettre sur pied des mesures pour dépister, documenter et prévenir ces pratiques discriminatoires.

Il s'agit de décisions qui auront un impact significatif sur la lutte contre le profilage racial non seulement à  Montréal, mais aussi pour le reste du Canada.

Un soir en août 2003, Jonas Cassy et son frère Henri, respectivement 13 et 16 ans, et leur ami, Fritznol François, 16 ans, étaient assis sur une petite clôture devant un immeuble du HLM St-Michel Nord et parlaient avec des amis, tous de race noire, qui habitaient ce HLM. Deux policiers, faisant la patrouille du quartier, sont venus leur exiger de quitter les lieux et de ne pas s'asseoir sur la clôture d'à  peine 50 cm du sol, sous prétexte qu'ils gênaient la circulation des « piétons » et que ce serait un risque pour eux de tomber par terre. Quand les jeunes ont contesté, MM. Cassy et François, tous des adolescents noirs, ont reçu sur-le-champ des billets de contravention de 85 $ chacun, pour « avoir utilisé le mobilier urbain à  une autre fin que celle à  laquelle il est destiné ». Les jeunes filles noires qui étaient avec eux n'ont pas été pénalisées.

Quant à  F.O., 15 ans, d'origine tunisienne, celle-ci marchait avec deux amies noires un soir derrière l'immeuble du HLM où elle réside. Des policiers sont venus lui demander de rentrer à  la maison, mais F.O. leur disait qu'elle était devant chez elle et ne savait pas pourquoi elle n'avait pas le droit d'être dehors. Les policiers l'ont arrêtée, menottée et placée dans la voiture de police pendant une trentaine de minutes; ils ont même poussé sa mère, Mme Arbia Bouganmi, loin de la voiture lorsque celle-ci a voulu se renseigner sur les motifs de l'arrestation de sa fille. F.O. a reçu un billet d'infraction de 118 $ pour avoir « entravé la circulation des piétons en se tenant immobile, en flânant sur une voie et ayant refusé... de circuler à  la demande d'un policier ».

Mandaté par les parents, le CRARR a déposé des plaintes à  la CDPDJ, dans lesquelles il dénonçait d'autres pratiques policières abusives tels le fait de menacer de donner des billets de contravention aux adolescents et aux jeunes adultes de couleur pour ne pas avoir marché sur le trottoir, avoir parlé fort et s'être trouvés le soir dans le parc René-Goupil adjacent au HLM, alors qu'il est encore permis de le fréquenter à  cette heure.

Pour chaque jeune victime de profilage racial, le CRARR réclamait 20 000 $ en dommages moraux et 10 000 $ en dommages punitifs, plus 10 000 $ à  investir dans des mesures visant à  améliorier les relations police-minorités dans le quartier.

À cet effet, la CDPDJ recommande 10 000 $ pour chacun des deux frères Cassy et pour 10 000 $ M. François; 13 000 $ pour F.O. et 4 000 $ pour Mme Bouganmi, pour un total de 47 000 $. En outre, la CDPDJ exige de la Ville plusieurs mesures de redressement systémique qu'a demandées le CRARR dans ses plaintes, dont :

- la formation en matière de profilage racial et de discrimination raciale en général;

- l'adoption d'une politique de lutte contre le profilage racial « tel que défini par la Commission » étant donné que celle du Service de police de la Ville de Montréal(SPVM) contient le qualificatif « essentiellement » qui serait contraire à  la jurisprudence (voir feuillet d'information ci-joint);

- la mise en place des mesures de dépistage et de prévention du profilage racial, et

- la collecte des « données pertinentes afin de surveiller [le] profilage racial ».

Pour le CRARR, il s'agit d'une victoire historique tant pour les minorités raciales que pour les résidents de logement public. Ces décisions confirment ce que certaines autorités ont nié publiquement (voir Communiqué No 3), à  l'effet que le profilage existe bel et bien à  Montréal et qu'il faut des actions systémiques pour les contrer.

En effet, le CRARR, par le biais de son avocat et ex-président, Me René Saint-Léger, a remporté une autre victoire pour tous les résidents des HLM. Me Saint-Léger a amené la Ville à  admettre que le territoire des HLM est un terrain privé où les policiers n'ont ni le pouvoir ni le droit d'entrer et d'émettre des billets de contravention basés sur les règlements de la Ville relatifs à  l'espace public. Par conséquent, le CRARR réclame une enquête publique si la Ville a illégalement recueilli de l'argent des résidents de HLM qui ont été pénalisés par des policiers (voir Communiqué No 2).

Selon M. Fo Niemi, directeur général du CRARR, « ces décisions sont une réprobation claire et nette de certaines pratiques policières discriminatoires. Cependant, elles ne doivent pas être perçues comme une attaque à  l'endroit du SPVM. Au contraire, elles offrent aux dirigeants policiers une nouvelle occasion d'assurer un service de qualité afin de servir avec équité la population multiculturelle et multiraciale de Montréal ».

« Nous sommes confiants du fait que le SPVM, qui a entrepris des moyens tangibles au cours des dernières années pour prévenir le profilage racial, intensifiera ses efforts louables à  la lumière de ces décisions », dit-il.

La Ville a jusqu'au 25 janvier 2008 pour se conformer à  ces mesures, à  défaut de quoi les dossiers seront portés par la CDPDJ devant le Tribunal des droits de la personne. En raison de l'importance de ces décisions, qui seront sans doute contestées vigoureusement par la Ville devant les tribunaux, le CRARR interviendra devant le Tribunal avec l'aide des conseillers juridiques et des experts en profilage racial de l'extérieur du Québec.

Le CRARR attend d'autres décisions de la CDPDJ relatives aux plaintes qu'il a déposées en 2003 au nom de plusieurs résidents noirs du même HLM contre les policiers pour harcèlement racial en milieu de logement et contre l'Office municipal d'habitation de Montréal pour avoir permis des actes de discrimination sur son territoire.

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