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LA VILLE DE MONTRÉAL ET SES DEUX POLICIERS DOIVENT VERSER 60 000 $ AUX TROIS CITOYENS NOIRS POUR DISCRIMINATION RACIALE


Montréal, CANADA, le 15 juillet 2008 --- Des comportements discriminatoires de la part de policiers lors d'une intervention auprès de trois personnes noires dans l'Ouest-de-l'Île vont coûter 60 000,00 $ à la Ville de Montréal et ses deux employés policiers.

Dans une décision importante rendue en juin dernier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a recommandé que Mme Gemma Raeburn, présidente du festival gastronomique antillais A Taste of the Caribbean et personnalité respectée de la communauté noire ainsi que ses deux amis, MM. Peter Charles et Frederick Peters, reçoivent chacun 20 000,00 $ en dommages moraux et punitifs de la part des deux policiers et de leur employeur, la Ville de Montréal, dans un incident à connotation raciale qui a eu lieu il y a presque quatre ans.

En novembre 2004, Mme Raeburn faisait le ménage de son garage avec ses deux amis noirs quand plusieurs policiers se sont présentés subitement chez elle, suite à un appel de voisin signalant un vol de domicile. Dès leur entrée dans le garage, l'un des policiers a pointé son pistolet sur Mme Raeburn et M. Charles; quand elle a dit aupolicier qu'il n'aurait pas braqué son arme à feu si elle et son ami étaient de race blanche, un policier, Roger Carbonneau, a rétorqué que « les balles ne voient pas de couleur ». Son autre ami, M. Peters, qui se trouvait dans le jardin en arrière, a dit aux policiers que dans son pays d'origine (où il était policier), la police ne traitait pas les gens avec un tel manque de respect; ce à quoi une policière, Isabelle Nault, lui a dit « pourquoi il ne retournait pas chez lui s'il n'aimait pas être ici ».

Avec l'aide du CRARR, les trois citoyens ont déposé des plaintes à la Commission des droits de la personne et au Commissaire à la déontologie policière.

Le Commissaire a, en décembre 2005, rejeté les plaintes pour manque de preuve de violation du Code de déontologie policière. Aidés par le CRARR, Mme Raeburn et M. Peters ont porté en appel la décision du Commissaire auprès du Comité de déontologie policière, citant des erreurs graves dans le raisonnement du Commissaire, dont l'incapacité à comprendre les préjugés raciaux et à appliquer la norme juridique de la discrimination. En juin 2006, le Comité a infirmé la décision du Commissaire et a demandé à celui-ci de citer les deux policiers impliqués pour violation du Code.

En février 2007, le Comité rendit sa décision dans laquelle un policier a eu une journée de suspension sans salaire et l'autre, trois journées, pour leurs propos « inappropriés, inconvenants, voire insultants » (notons que le Comité n'a pas conclu que ces propos étaient discriminatoires; cette décision a été portée en appel devant la Cour du Québec par les policiers intimés).

Dans sa décision, la Commission des droits de la personne a souligné que « des propos discriminatoires fondés sur la race, la couleur et l'origine ethnique ou nationale ont été tenus par les policiers Roger Carbonneau et Isabelle Nault, alors qu'ils étaient en situation d'autorité, et ce, dans le cadre d'une intervention armée ».

« En tant que citoyens et contribuables, nous devons faire valoir nos droits et aller jusqu'au bout afin d'envoyer deux messages importants : le premier aux autorités municipales, à l'effet qu'elles doivent mieux former les policiers et sanctionner tout comportement policier discriminatoire; le deuxième, aux membres de notre communauté, selon lequel il faut avoir une tolérance zéro de ce genre de comportement teinté de racisme », dit Mme Raeburn.

D'ajouter MM. Peters et Charles, « nous ne pouvons laisser passer le fait qu'il y ait encore des personnes en autorité comme des policiers ou même la Ville, qui croient que ce n'est pas discriminatoire de dire à des personnes de couleur de retourner chez elles si elles sont mécontentes des comportements des fonctionnaires payés par leurs propres taxes ».

(Dans sa défense relative aux propos de la policière, l'avocat de la Ville a écrit : « il faut bien voir que la même remarque aurait été faite à une personne blanche de France, à un Eurasien de Russie, à un Arabe au Maroc, à un Québécois de Trois-Rivières de n'importe quelle couleur : quand quelqu'un insiste lourdement pour dire que tout est mieux là où il vient, l'envie naturelle et quasi-repréhensible de l'interlocuteur est de rétorquer « pourquoi ne pas y retourner ? » ... il faudrait ... être de mauvaise foi pour y voir quelque connotation raciste que ce soit. »)

« La décision de la Commission a établi un nouveau seuil élevé pour les dommages monétaires pour les gestes discriminatoires de la part des policiers envers les minorités raciales », dit M. Fo Niemi, Directeur général du CRARR.

« Elle démontre de nouveau que le racisme coûte cher, lorsque l'on tient compte des frais d'avocats défrayés par la Ville depuis 2005 pour sa défense devant la Commission des droits de la personne et le Comité de déontologie policière. D'où la nécessité de faire une meilleure prévention, une meilleure formation et même une meilleure sélection des personnes au départ », ajoute-t-il.

La Ville et les deux policiers ont jusqu'au 22 août pour se conformer à la décision de la Commission. Comme dans plusieurs cas de racisme impliquant la police, il est prévu que la Ville ignorera la mise en demeure de la Commission, obligeant celle-ci à porter l'affaire devant le Tribunal des droits de la personne.

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