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DISCRIMINATION RACIALE DANS LE TRANSPORT EN COMMUN : DES JEUNES NOIRS DE LA PETITE-BOURGOGNE CONTESTENT LE PROFILAGE RACIAL À LA STM


Montréal, le 21 février 2010 --- Cinq jeunes Noirs du quartier Petite-Bourgogne déposeront demain des plaintes contre la Société de transport de Montréal (STM) auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour profilage racial, abus de pouvoir et recours à  une force excessive.

Lors d'une conférence de presse tenue à  l'occasion de la Journée de commémoration de Malcolm X dans le quartier Petite-Bourgogne, les jeunes ont lancé également une campagne contre le racisme dans le transport en commun, avec l'appui de DESTA, un organisme de soutien aux jeunes Noirs, du CRARR et d'autres membres de la communauté. Ils contestent la façon injuste, voire brutale dont ils ont été traités dans le réseau de transport en commun de Montréal au cours de deux incidents distincts survenus en novembre 2009.

Dans le premier cas, trois jeunes femmes noires dans la vingtaine, Samantha Hyman-Roberts, Taejhia James et Teasha Mary Codrington-Thompson, ont été interceptées à  la station de métro Peel alors qu'elles rentraient chez elles après leur quart de travail. Deux agents de la STM, tous deux hommes Blancs, se sont approchés d'elles et leur ont demandé de présenter leur preuve de paiement du passage (PPP). Lorsque Mme Hyman-Roberts a expliqué qu'elle avait jeté son billet, les inspecteurs lui ont demandé de sortir du wagon de métro. Quand elle leur a dit qu'elle désirait rentrer chez elle, les agents l'ont alors empoignée et jetée au sol sans avertissement pour procéder à  son arrestation à  la station Atwater. Les trois jeunes femmes se sont vues remettre des contraventions pour entrave au travail d'inspecteur s'élevant à  324 $ par personne. Mme Hyman-Roberts a également reçu une contravention de 214 $ pour défaut de présenter une preuve de paiement du passage.

Mme James a été bouleversée par cet incident : « Je me suis sentie traitée comme un animal ou une esclave. Trois jeunes filles blanches auraient-elle été agressées comme ça ? »

L'autre incident a eu lieu à  la station Georges-Vanier. Deux jeunes hommes noirs revenaient d'une conférence universitaire de Toronto lorsqu'ils ont été interceptés par un groupe d'inspecteurs blancs de la STM. MM. Gallo Cham et Mustapha Thompson ont été intimidés verbalement par les agents; M. Cham s'est vu remettre un billet de 214 $. Les deux jeunes considèrent l'interception des inspecteurs comme un acte de profilage racial puisque, selon ce qu'ils ont pu observer, seulement les jeunes Noirs étaient interceptés ce soir-là.

Selon M. Thompson, un bénévole engagé auprès de DESTA : « Je suis un jeune homme Noir et intelligent, ce qui me rend immédiatement suspect aux yeux des policiers et des inspecteurs blancs. Cette mentalité doit changer et être sanctionnée sévèrement ».

L'une des principales allégations des plaintes déposées par le CRARR au nom des jeunes est que la politique de la STM en matière de tolérance zéro et de remise de contraventions affecte de façon disproportionnée les jeunes Noirs. Ce groupe fait face déjà  à  un taux de chômage plus élevé et a un revenu plus faible que la moyenne des jeunes. En les ciblant pour leur remettre ensuite une contravention s'élevant à  214 $ (une politique qui s'applique par ailleurs à  tous les usagers du métro), la STM impose un fardeau inéquitable à  ce groupe déjà  économiquement défavorisé.

Selon Mme Elena Toews, conseillère des droits de la personne au CRARR en charge de ces dossiers, la CDPDJ doit enquêter et exiger que la STM :

  • Cesse d'associer automatiquement l'incapacité d'une personne à  présenter une PPP à  un défaut de paiement à  un passage illégal;
  • Mette fin aux pratiques de profilage racial, à  la politique de tolérance zéro, aux mesures discriminatoires de contrôle et au recours à  une force excessive;
  • Élabore des directives déterminant clairement ce qui constitue un entrave au travail des inspecteurs du métro et faire connaître ces normes au grand public;
  • Mette sur pied une campagne afin d'informer les usagers du métro de leurs droits en cas d'interception et en lien avec leur obligation de conserver une PPP et
  • Forme adéquatement tous les inspecteurs de métro relativement aux pratiques relevant du profilage racial et aux violations des droits de la personne.
  • Ces cas s'ajoutent aux dossiers similaires soutenus par le CRARR au cours des dernières années. En mars 2009, une jeune femme Noire de 23 ans, étudiante à  l'université McGill, a été arêtée brutalement par cinq inspecteurs de la STM à  la station de métro Peel alors qu'elle discutait avec un ami d'origine latino-américaine. Elle avait simplement demandé aux agents de lui parler plus respectueusement lorsqu'ils lui ont exigé de se déplacer. Cinq inspecteurs sont intervenus pour l'arrêter de manière violente; la jeune femme a été poussée avec force contre un mur, menottée et détenue dans une salle fermée. Trois mois après avoir déposé une plainte de violation de ses droits, elle a reçu une contravention de 100 $ pour avoir perturbé la circulation sur la voie publique et des accusations criminelles d'entrave.

    Dans le cadre d'une campagne de lutte à  la discrimination raciale dans le transport en commun, les cinq jeunes victimes, de même que les résidents et les groupes qui soutiennent leurs actions incitent les habitants Noirs de la Petite-Bourgogne (et d'autres secteurs de Montréal) qui ont été traités de façon similaire, à  porter plainte contre la STM auprès de la CDPDJ. Depuis de nombreuses années, les résidents du quartier signalent l'existence de problèmes de profilage racial, de harcèlement et d'autres traitements abusifs de la part du personnel de la STM dans les stations de métro Lionel-Groulx, Georges-Vanier et Saint-Henri.

    « Les adultes et jeunes Noirs de la Petite-Bourgogne et d'autres quartiers en ont assez d'être considérés comme des vaches à  lait par la STM qui leur colle des amendes à  droite et à  gauche », s'indigne la coordonnatrice des bénévoles pour DESTA, Mme Kelly Thompson, qui est aussi une mère, une grand-mère et une citoyenne engagée du quartier. « Nous incitons les gens à  se lever pour défendre leurs droits ».

    Selon la directrice de DESTA, Mme Frances Waithe : « Nous demandons au président de la STM d'organiser dans les plus brefs délais une rencontre publique pour expliquer ces pratiques et pour prévoir des mécanismes de reddition de compte à  la population. M. Labrecque, cessez d'exiger la preuve de paiement du passage et mettez fin au profilage racial dans le métro ! »

    En 2006, le CRARR a remporté une victoire contre le profilage racial dans lequel la STM a dû payer 15 000 $ en dommages à  un jeune Noir de 15 ans qui avait été arrêté brutalement à  la station de métro Laurier. En 2007, la Cour du Québec a également déclaré que des inspecteurs de la STM avaient eu recours au profilage racial lorsqu'ils avaient arrêté une femme asiatique à  la station Lionel-Groulx en raison d'un problème avec son billet de transfert; durant son arrestation, ces inspecteurs avaient essayé de vérifier son adresse auprès des autorités de l'immigration et ce, sans justification (voir la décision au : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2007/2007qccq5677/2007qccq5677.pdf)

    Environ une centaine de résidents du quartier sont venus livrer des témoignages sur des incidents semblables avec les inspecteurs de la STM; ils procèderont à  déposer des plaintes de discrimination contre la STM dans les prochains jours. M. Selwyn Pieters, avocat torontois et défenseur des droits de la personne bien connu à  travers le Canada, est venu encourager les membres de la communauté noire à  recourir à  des poursuites pour valoir leurs droits.

    Lire :

  • http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/283604/cinq-jeunes...
  • http://www.montrealgazette.com/life/Métro+inspectors+singling+blacks+formal+complaint+rights+body/2595391/story.html
  • http://montreal.ctv.ca/servlet/an/local/CTVNews/20100221/mtl_MTC_100221/...