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LE CRARR APPUIE L'ADOPTION D'UNE LOI CONTRE LES POURSUITES ABUSIVES (SLAPP)


Montréal, le 16 février 2008 --- Lors de sa comparution devant une Commission parlementaire à  l'Assemblée nationale du Québec ce matin, le CRARR a manifesté son appui inconditionnel pour l'adoption d'une loi contre les poursuites abusives.

Dans un mémoire rédigé par des stagiaires en droit de l'Université, dont Alex Dearham, Josie Marks et Maxime Hébrard, le CRARR a formulé plusieurs commentaires et recommandations relatifs à  un avant-projet de loi présenté par le Gouvernement du Québec. Le résumé du mémoire est reproduit ci-bas :

Le CRARR est le seul organisme sans but lucratif au Québec qui fournit un service direct d'assistance et de représentation aux personnes qui sont victimes de discrimination en raison de leur race, de leur origine ethnique, de leur religion et d'autres motifs de discrimination qui sont prévus dans les lois fédérales et provinciales sur les droits de la personne. Plusieurs individus assistés par le CRARR ont été victimes de représailles après avoir revendiqué leur droit à  l'égalité et à  la non-discrimination.

Ces expériences ont permis au CRARR de développer une expertise et une perspective unique sur les réformes législatives souhaitables qui permettraient de combattre les Poursuites stratégiques contre la mobilisation publique (SLAPP selon l'acronyme anglais, ou Strategic Litigation Against Public Participation).

Malgré que les préoccupations généralement soulevées par les SLAPP concernent la protection du consommateur et de l'environnement, le CRARR est d'avis que les SLAPP peuvent également avoir des effets négatifs sur la revendication des droits de la personne et du droit à  la non-discrimination sous la Charte québécoise, le Code de déontologie des policiers du Québec et le Code du travail du Québec. Le CRARR demande donc au législateur québécois d'adopter une législation appropriée à  la résolution de ce problème.
À cette fin, le CRARR recommande :

  • L'ajout du droit à  la participation publique dans la Charte québécoise : Le CRARR recommande l'ajout du droit à  la participation publique dans la Charte québécoise. Cet ajout permettrait aux tribunaux d'atteindre un meilleur équilibre entre d'une part le droit à  la réputation des acteurs commerciaux, syndicaux et gouvernementaux, et d'autre part le droit des individus et des groupes à  la liberté d'expression et à  la participation publique. Il pourrait également dissuader ces acteurs de recourir au SLAPP en permettant à  ses victimes d'obtenir des dommages extra-judiciaires dans des circonstances exceptionnelles.
  • Le prolongement des protections statutaires contre les représailles aux contextes policiers et syndicaux : Le CRARR recommande que la protection contre les représailles explicitement reconnue à  l'article 82 de la Charte québécoise soit prolongée aux plaintes devant le Commissaire à la déontologie policière et aux plaintes présentées par les membres d'un syndicat en vertu de l'article 47.2 du Code du travail du Québec. Le prolongement de cette protection dans le contexte policier est particulièrement urgent compte tenu des poursuites stratégiques déjà  utilisées dans plusieurs juridictions afin d'intimider les citoyens. Il est nécessaire de permettre aux citoyens de s'exprimer sans crainte contre les pratiques discriminatoires des agents de la paix et des représentants syndicaux afin de préserver la confiance du public envers ces deux institutions.
  • Des réformes procédurales : le besoin de créer une procédure expéditive en cas de SLAPP : La nouvelle législation devrait permettre au défendeur d'initier une requête d'ajournement des procédures (motion to strike) ou une audience préliminaire sommaire permettant de déterminer s'il s'agit d'un SLAPP. L'introduction d'une telle procédure permettrait au juge de déclarer avant son jugement final qu'une poursuite est strictement stratégique, réduisant ainsi les délais et les coûts pour le défendeur.
  • Des réformes procédurales : les coûts extra-judiciaires et les dommages punitifs : Le CRARR recommande que la nouvelle législation permette l'octroi de réparations extra-judiciaires et de dommages punitifs contre les groupes instituant des procédures malicieuses afin de décourager le recours au SLAPP, spécialement lorsque ces procédures visent les individus déposant des plaintes pour violation des droits de la personne. Cette mesure nécessitera l'extension des circonstances limitées permettant actuellement l'octroi de tels dommages, mais conduira à  une réduction du fardeau financier des SLAPP pour les défendeurs.
  • La reproduction du modèle « SLAPPback » d'octroi de dommages punitifs : Le CRARR recommande l'adoption d'une législation Anti-SLAPP similaire au modèle californien qui permettrait aux victimes d'un SLAPP de poursuivre le plaignant initial pour les dommages occasionnés par la poursuite malicieuse ou l'abus de procédure.
  • La promotion de l'accès : le financement de la défense contre les SLAPP : Le CRARR recommande la création d'un fonds public finançant d'avance les frais juridiques et les autres coûts associés à  la défense contre un SLAPP. Ce fonds serait similaire au Fonds d'aide aux recours collectifs et réduirait les effets intimidants des SLAPP en fournissant à  ses victimes les fonds nécessaires à  leur défense avant que le SLAPP ne soit jugé invalide par un tribunal.
  • La reconnaissance de la vulnérabilité des membres de conseil d'administration aux SLAPP : Le CRARR recommande que la réforme législative prenne en compte la vulnérabilité particulière aux SLAPP des membres de conseil d'administration d'organismes à  but non-lucratif. Les administrateurs de tels organismes, qui travaillent souvent bénévolement, peuvent être personnellement visés par les SLAPP, alors qu'il leur est souvent impossible financièrement de contracter une assurance limitant leur responsabilité.
  • Le CRARR prend note que le Rapport du comité au ministre de la Justice datant de mars 2007 suggère trois options juridiques expliquant comment introduire ces recommandations. Le CRARR supporte en premier lieu l'adoption d'une loi spécifique qui contiendrait toutes ces recommandations sous une seule rubrique : une loi interdisant les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique.

    En tant qu'organisme œuvrant dans l'intérêt public pour dénoncer la discrimination raciale et toute autre forme de discrimination, le CRARR croit que l'adoption de ces recommandations pour une réforme législative est primordiale afin de maintenir une forte démocratie participative dans laquelle tous les citoyens seront libres de s'exprimer publiquement et librement contre la discrimination et l'injustice sans craindre de représailles.