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RACISME À L’ÉCOLE : LE CSS MARGUERITE-BOURGEOYS DOIT PAYER 65 000 $ À UNE MÈRE ET À SES DEUX ENFANTS NOIRS



Montréal, 7 décembre 2020 — La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a demandé à l’ancienne Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys de payer à une mère et à ses deux enfants noirs 65 000 $ en dommages pour des actes d’agression et de harcèlement racial à l’école, dont des insultes avec le mot « N » et pour son défaut d’assurer aux jeunes un milieu scolaire exempt de racisme.

La mère, Asha, s’est plainte de multiples actes d’intimidation physique violente et d’insultes racistes envers sa fille et son fils, aujourd’hui âgés de 14 et 12 ans respectivement, de la part d’autres élèves, dès leur inscription en 2015 à l’école Saint-Clément Est de la CSMB (aujourd’hui, le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys).

Dès septembre 2015, le garçon qui avait alors 7 ans, se faisait sans cesse harceler dans la cour d’école, en classe et dans l’autobus : bousculé, jeté à terre, frappé au visage avec un morceau de glace, etc. Le chauffeur de l’autobus scolaire l’a même menacé de lui « casser la gueule ». Alors que, frustré, traumatisé et marginalisé, il lui est arrivé de se défendre, c’est lui qui a écopé de punitions pendant que ses harceleurs s’en sortaient sans punitions. Une fois, un membre de la direction de l’école l’avait enfermé à clé dans une salle avec un technicien et lui aurait même prédit que dès qu’il aurait 14 ans, il irait en prison.

Sa sœur, âgée de 11 ans à l’époque, a aussi été victime de traitements violents et intimidants. En 4ième primaire, une surveillante lui a même donné un coup de poing au dos lors de la période de déjeuner. Parmi les vexations qu’elle a subies, une élève avait refusé de s’assoir à côté d’elle car elle « n’aimait pas son odeur ». Une autre lui a dit « tu es un caca parce que tu es noire ».

Voyant que ses plaintes étaient vaines, que car la gravité des agressions s'amplifiait et que la direction de l’école ne prenait aucune mesure pour protéger ses enfants, Asha a décidé de retirer son fils de l’école en février 2017 et de le scolariser à la maison, aux dépens de ses propres études universitaires. L’école a alors fait une dénonciation auprès de la DPJ qui, après enquête, a classé cette dénonciation.

En 2018, à l’Académie Saint-Clément qu’elle fréquentait, la fille a reçu de son professeur, durant le Mois de l’Histoire des Noirs, un devoir qui consistait à trouver les diminutifs de noms communs, dont le mot « N ». Lorsqu’elle a exprimé son désaccord à l’enseignant, celui-ci lui a répondu qu’il est normal d’utiliser ce mot, qui est encore utilisé dans plusieurs œuvres tels que Tintin au Congo et Les dix petits « N » d’Agatha Christie. Rajoutant à l’humiliation, il suggéra l’utilisation du terme « négrillon » comme diminutif du mot « N ».

Après des discussions sans succès avec la direction de l’école quant aux mesures pour rétablir un climat de respect, dont des activités de sensibilisation au racisme et une lettre d’excuses aux parents et aux enfants de la classe, Asha décida de scolariser sa fille à la maison.

« Notre vie a été l’enfer pendant trois ans, au point où mon a fils failli perdre un œil et qu’il ne voulait plus aller à l’école et que j’ai dû mettre en suspension mon plan d’études et de carrière pour m’occuper de mes enfants », dit Asha.

« La pire expérience a été de voir mon fils et ma fille continuer de souffrir à cause de la négligence et de l’inaction de la Commission scolaire face aux actes de racisme répétitifs. On a vite compris ce qu’est le racisme systémique », affirme-t-elle.

Avec l’aide du CRARR, la mère a porté plainte à la CDPDJ pour ses enfants. En août 2020, la CDPDJ a rendu sa décision lui donnant gain de cause et recommandant que la CSSMB verse à chaque enfant 25 000 $ et à la mère 15 000 $ en dommages moraux. Dans le cas de sa fille, l’enseignant est tenu conjointement responsable.

La CDPDJ demande aussi à la CMSB d’adopter dans un délai d’un an une formation pour tout son personnel, sur le racisme, dont le racisme anti-noir, qui devra être donné de manière récurrente tous les cinq ans, et une formation antiraciste pour les élèves. Elle demande aussi que soit révisé le plan de lutte contre l’intimidation, notamment en ce qui concerne les actes à caractère racial, et de réviser l’ensemble du matériel pédagogique utilisé dans toutes les écoles, pour que celui-ci soit exempt de toute connotation à caractère raciste.

« Cette décision établit une nouvelle norme pour toutes les institutions scolaires en ce qui concerne leur obligation d’agir avec diligence et imputabilité pour assurer un milieu scolaire sans racisme », s’exclame le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

« Ces deux cas montrent comment l’inaction de l’école face aux actes d’intimidation physique et verbale à caractère racial, ainsi que la tolérance du mot « N », ont pour effet de créer un climat scolaire empoisonné par le racisme et d’exposer les élèves noirs à la violation de leurs droits à l’égalité, à la dignité et à l’intégrité », dit M. Niemi.

La CMSB avait jusqu’au 11 septembre dernier pour se conformer aux mesures demandées. Étant donné l’échec des négociations, l’affaire sera portée prochainement au Tribunal des droits de la personne par la CDPDJ.