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LA POLICE DE TERREBONNE VISÉE PAR LA 14e PLAINTE DE PROFILAGE RACIAL EN DEUX ANS



Montréal, le 9 août 2020 — La police de Terrebonne fera l’objet de nouvelles plaintes de profilage racial à la suite d’un incident avec un conducteur noir qui a reçu deux billets de contravention après avoir été interpellé sans aucun motif.

Le 31 juillet dernier, vers 18 h 30, Jonathan Woodley, un homme d’affaires noir anglophone et résident de Mascouche, retournait chez lui après avoir été aller chercher de la formule de bébé pour son nouveau-né, lorsqu’il s’est fait interpeller par deux policiers.

Les policiers encadrent la voiture de M. Woodley qui baisse sa vitre pour demander la raison de l’interception. Il doit poser la question à quatre reprises avant d’obtenir une réponse. Dans sa frustration, il lance un juron.

Le policier du côté du passager lui explique que c’est parce que ses lumières arrière sont trop teintées, ce qui est tout à fait nouveau pour lui, et qu’il conduit une voiture enregistrée au nom d’une femme. La femme en question est son épouse, Stephanie Mucci, qui est d’origine italienne.

« Les policiers de Terrebonne et d’ailleurs utilisent souvent comme prétexte pour m’interpeller le fait que ma voiture est enregistrée au nom d’une femme », déclare M. Woodley. « Je dois pouvoir conduire en paix la voiture de ma femme quand je veux et où je veux, tout comme cela se fait pour tout autre couple », dit-il.

M. Woodley recevra éventuellement deux billets, l’un au montant de 274 $ pour avoir insulté un policier et l’autre au montant de 171 $ au nom de son épouse, pour avoir des feux qui ne sont pas « dégagés de toute matière obstruante ».

Quand il arrive chez lui vers 19 h 30, il est accueilli par son épouse à l’extérieur de sa maison. Peu de temps après, il voit arriver une voiture de police de Mascouche arrive et les deux policiers lui disent qu’ils ont reçu un appel d’un voisin ayant rapporté une dispute entre lui et son épouse.

Malgré que le couple insiste qu’il n’y a pas eu de dispute, les policiers refusent de partir et tentent même de rentrer dans la maison sans le consentement du couple et sans porter de masques, mettant en danger la santé et la sécurité des deux jeunes enfants du couple.

Deux autres voitures de police arrivent sur les lieux et au total, cinq policiers se retrouvent devant la maison du couple.

« Ils ont essayé de rentrer dans ma maison malgré nos objections, et un policier me demande même si je vis là, comme si un homme noir ne peut être le propriétaire d’une belle maison », dit M. Woodley. « Il est clair que jamais les policiers n’auraient interpelé un homme blanc conduisant la voiture de son épouse ni tenté de pénétrer chez lui sans motif et sans autorisation ».

Le CRARR assistera M. Woodley dans le dépôt de plaintes auprès du Commissaire à la déontologie policière et de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à l’endroit des services de police de Terrebonne et de Mascouche. La plainte de M. Woodley sera la 14e plainte déposée en deux ans par un citoyen noir contre le service de police de Terrebonne.

Pierre Marcel Monsanto, un résident noir de Terrebonne, a déjà déposé 12 plaintes en droits de la personne et 11 plaintes en déontologie policière à l’endroit des policiers de Terrebonne, pour profilage racial, entre l’été de 2018 et l’été de 2019.

Exceptionnellement, le Commissaire à la déontologie policière a envoyé les 11 plaintes directement à l’étape de l’enquête sans passer par l’étape habituelle de la conciliation.

« Comment, lorsqu’ils me croisent de face, les policiers peuvent-ils prétendre qu’ils ont vérifié ma plaque et déterminé que la voiture que je conduisais appartenait à une femme ? C’est un pur mensonge pour masquer le fait qu’ils m’ont interpelé pour la seule et unique raison qu’ils ont vu un conducteur noir au volant de la voiture, » déclare M. Monsanto.

« Je n’ai ni la liberté de me déplacer librement dans ma propre municipalité sans être contrôlé, ni le droit de conduire la voiture de mon épouse. En fait, les policiers se comportent comme s’ils ne veulent plus me voir à Terrebonne et que je ne peux pas vivre en paix comme n’importe quel résident », ajoute monsieur Monsanto.

« Nous voyons de plus en plus se dessiner une série de comportements policiers qui envoient aux citoyens noirs de Terrebonne le message qu’ils ne sont pas les bienvenus. Nous encourageons les conducteurs noirs de Terrebonne à agir contre ces pratiques de profilage racial systémique », dit le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

Selon le Recensement de 2016, on compte 8 000 Noirs parmi les 111 500 résidents de Terrebonne et 3 000 Noirs parmi les 46 000 résidents de Mascouche.

« Terrebonne est-elle en train de devenir le prochain Repentigny où le profilage racial est systémique et endémique, pour ne pas dire systématique ?», se demande le conseiller du CRARR, Alain Babineau.

« Le profilage racial et le racisme systémique sont comme la COVID-19. Ils peuvent infecter les services de police et coûter très cher à la Ville et aux policiers en termes d’argent et de temps à passer devant les tribunaux », selon M. Babineau.

« Il faut que ce problème soit résolu rapidement et la solution commence avec la reconnaissance de l’urgence d’agir de la part du chef de police de Terrebonne Marc Brisson. Ce même message s’adresse aussi au service de police de Mascouche », insiste M. Babineau.

« Rappelons que ces incidents de profilage racial systémique par des corps policiers ont eu lieu dans le jardin même du Premier ministre François Legault. Nous lui livrons ce message pour qu’il passe à l’action pour lutter contre le profilage racial », conclut M. Niemi.