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DES PARENTS DÉNONCENT À L'ONU LES CAS DES JEUNES AUTISTES ABANDONNÉS PAR LES SYSTÈMES SCOLAIRE ET DE LA SANTÉ



Montréal, 25 avril 2019 — Exaspérés par la négligence et l'abandon à eux-mêmes de leurs enfants autistes par les systèmes scolaire et de santé québécois, deux parents encouragent les familles qui vivent les mêmes problèmes à dénoncer cette situation aux Nations-Unies.

Katharine Cukier, une mère blanche d'un adolescent de 16 ans et Marie Ismé, une mère noire d'un adolescent de 15 ans, sont toutes les deux désespérées d'avoir été laissées pour compte par le réseau de la santé et le réseau scolaire, sans soutien adéquat pour leurs fils autistes et pour leurs familles.

En raison des troubles de comportements inhérents à son autisme, Brandon, le fils de Mme Ismé, a été expulsé par son école de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, qui est pourtant une école spécialisée pour jeunes de 5 à 21 ans vivant avec un trouble du spectre de l'autisme et une déficience intellectuelle moyenne-sévère à profonde. Inscrit à l'École des Érables depuis 5 ans, Brandon a commencé à se couper le bout des doigts en 2018, ce qui a mené à la cessation temporaire de sa scolarisation.

Après trois incidents et renvois entre janvier et mars 2019, durant laquelle période le jeune est resté à la maison avec un plan inadéquat de scolarisation à domicile, l'école a suspendu sa scolarisation le 17 avril dernier, le considérant comme un risque pour la sécurité d'autrui.

Or, pour Mme Ismé, la désorganisation dans les services de l'école et le soutien inadéquat sont responsables de la situation. De plus, selon elle, certains jeunes blancs ayant des troubles de comportements reçoivent un meilleur soutien que son fils qui a été privé du droit à l'instruction et à des soins adaptés à ses besoins.

« Le fait que Brandon est un jeune Noir qui a vite grandi semble fait peur à certaines personnes », remarque Mme Ismé. « Au lieu de soins adaptés et d'accommodement pour son état, on a opté pour l’expulsion et on se contente de lui prescrire davantage de médicaments pour le calmer et de le garder dans un état quasi-végétatif. C'est inacceptable d'abrutir un enfant de cette manière pour se débarrasser du problème ».

Quant au fils de Mme Cukier, Benjamin, son cas a été signalé cette semaine à la Direction de la protection de la jeunesse en raison des troubles graves de comportement (TGC) et du manque de services de soutien qui l'obligent à rester chez lui. Depuis le début de 2018, ses parents ont lancé sans succès de multiples demandes pour des services de réadaptation plus adéquats, fournis par du personnel mieux formé et plus stable. La désorganisation des services, dont le changement fréquent d'éducateurs, a mené à une crise majeure en décembre dernier.

Les mesures proposées à la famille vont à l'encontre des besoins de base de stabilisation de Benjamin au domicile ou par une hospitalisation avec des services spécialisés. On a proposé le placement dans une maison d'adaptation pour adultes et davantage de médicaments, ce que Mme Cukier a rejeté car ce traitement ne correspond pas aux besoins de Benjamin.

« L'avenir de mon fils est de plus en plus menacé au niveau de sa santé mentale et physique, de sa scolarisation et de sa vie en famille parce que la seule chose qu'on lui offre, c'est des services inadéquats souvent fournis par du personnel mal équipé et manquant gravement de la stabilité et de la continuité essentielles pour le traitement de l'autisme de mon fils », déplore Mme Cukier.

« Ma fille, qui vit des séquelles psychologiques des troubles de son frère, reçoit de meilleurs services cliniques », dit Mme Cukier. « J'ai découvert qu'il existe au Québec un système de soins à deux vitesses pour les personnes handicapées : l'un, meilleur, pour ceux et celles qui ne souffrent pas d'autisme et l'autre, inadéquat, pour des enfants et adultes autistes dont on cherche à se débarrasser par l'institutionnalisation et par l'ingestion de médicaments qui les plongent dans un état végétatif, ou encore, comme c'est le cas de Benjamin, en les envoyant à la DPJ ».

Pour le directeur général du CRARR « il est évident que les gouvernements du Québec et du Canada ne respectent pas leurs engagements en vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant. Selon les termes de cette Convention, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, et les gouvernements ont l'obligation d'assurer qu'aucun enfant ne soit privé de l'accès aux soins dont il a besoin ».

Un comité de l'ONU doit étudier cette année le rapport du Canada sur la mise en œuvre de ses engagements en vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant. Le CRARR invite les familles des enfants autistes à porter leur situation à l'attention de l'ONU étant donné l'absence de mesures gouvernementales efficaces pour soutenir ces enfants au Québec. Il planifiera dès cet été des consultations avec des acteurs de la société civile pour livrer ces constats au comité de l'ONU.

Le CRARR représente mesdames Ismé et Cukier devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dans des plaintes pour discrimination systémique contre les autorités scolaires et de la santé.

« Bien que nous soyons préoccupés par les délais de plus en plus longs dans le traitement des plaintes et les réticences de la Commission à confronter les problèmes de nature systémique, comme c'est le cas ici pour le traitement des enfants autistes, les parents doivent utiliser ce recours pour défendre les droits de leurs enfants », dit M. Niemi.