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DÉCISION HISTORIQUE : UN FONCTIONNAIRE DE RACE NOIRE REMPORTE UNE VICTOIRE SUR LA DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE DANS L'EMPLOI À LA VILLE DE MONTRÉAL



Montréal, 11 juin 2013 --- Après 11 années de lutte, un professionnel d'origine haïtienne vient d'obtenir une décision judiciaire qualifiée d'«historique » au Québec contre son employeur, la Ville de Montréal, pour racisme systémique dans la promotion aux postes de gestion.

Dans une décision rendue le 4 juin 2013, l'honorable Mark Peacock de la Cour supérieure du Québec conclut que M. Jean-Olthène Tanisma a été victime de racisme systémique dans l'emploi à la Ville et que celle-ci doit lui verser 30 000 $ en dommages. En outre, le juge Peacock ordonne que tous les postes de gestion à la Ville soient clairement et publiquement annoncés tant à l'interne qu'à l'externe.

Finalement, la Cour « recommande fortement » que M. Tanisma ait accès, dès son retour au travail, à toutes les opportunités possibles dans le cadre du programme d'accès à l'égalité dans l'emploi pour accéder à un poste de gestion, et que la Ville fournisse à celui-ci les cours de développement professionnel lui permettant d'acquérir des compétences en gestion.

« Même si cela a pris onze ans de ma vie, cette bataille contre la discrimination raciale dans l'emploi, m'a redonné la fierté et la dignité auxquelles j'ai droit comme citoyen à part entière », affirme M.Tanisma. « Cette bataille, je l'ai menée non seulement pour défendre mes droits, mais aussi pour l'avancement de tous les membres des minorités visibles de Montréal qui sont encore si peu représentés dans les postes décisionnels et de gestion dans les fonctions publiques ».

M. Tanisma, qui occupe le poste de conseiller en aménagement depuis 1988, a soumis sa candidature à 4 postes de cadre après les fusions municipales en 2002, sous l'administration du Maire Gérald Tremblay. Sa candidature a été rejetée. La Ville a justifié son refus par une disposition du Comité de transition à l'époque, qui prévoyait que les employés de statut professionnel n'étaient pas éligibles pour combler des postes de gestion dans la nouvelle ville à l'exception des professionnels qui étaient en fonction supérieure comme cadres dans l'un des arrondissements ou qui occupaient un tel poste depuis au moins six mois.

Cependant, la Ville a nommé coup sur coup 4 autres professionnels du même service que M. Tanisma, ayant le même statut que lui, pour occuper les postes de cadres auxquels M. Tanisma avait soumis sa candidature.

N'étant pas satisfait de la réponse de la Ville, M. Tanisma, à l'aide du CRARR, s'adressa à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), lui demandant d'enquêter sur les pratiques discriminatoires de son employeur.

Après trois d'ans d'enquête, la CDPDJ a conclu qu'il y avait de sérieux motifs qui étayaient les allégations de discrimination systémique. En raison des longs délais de la CDPDJ pour rendre sa décision, M. Tanisma entreprit alors un recours en mandamus pour forcer celle-ci à respecter ses responsabilités statutaires. La CDPDJ décida conséquemment de se dessaisir de la plainte à cause du recours dirigé contre elle.

M. Tanisma s'adressa en 2006 à la Cour supérieure à ses propres frais. Après plusieurs années de procédures au cours desquelles la Ville a notamment contesté la compétence juridictionnelle des tribunaux civils, la Cour d'appel du Québec confirma en 2008 la compétence de la Cour supérieure à entendre le fond du litige. Après avoir perdu à la Cour d'appel, la Ville porta la cause en Cour suprême, mais le plus haut tribunal du Canada refusa l'autorisation d'appel de la Ville en 2008 et retourna la plainte devant la Cour supérieure.

Les procureurs de M. Tanisma, en l'occurrence Me Aymar Missakila, avocat du CRARR et Me Marie-Noël Jacob, sont heureux pour leur client dont ils louent le courage, la détermination et les sacrifices personnels consentis pour mener à terme cette épuisante et onéreuse lutte contre la Ville.

« Après 11 ans de lutte pour son droit à l'égalité dans l'emploi, notre client est fort heureux de ce résultat, bien qu'il soit déçu d'être obligé de recourir à ses frais à la cour pour combattre la discrimination», dit Me Missakila. « Cette décision, qui est une « première » au Québec, confirme de nouveau les paramètres juridiques qui permettent de mieux combattre le racisme systémique dans l'emploi au Québec ».

Au cours de cette longue bataille judiciaire, M. Tanisma a été systématiquement isolé professionnellement et psychologiquement par l'administration municipale ainsi que par plusieurs cadres hiérarchiques de Ville.

Aucun dossier d'importance ne lui a été confié pendant ces 7 dernières années, en plus de l'abolition de son poste de professionnel lors d'un réaménagement administratif en 2005. On lui demanda alors d'appliquer sur les nouveaux postes de professionnels crées au sein de son service. Lorsqu'il réapplique pour son poste qu'il occupait en fait, depuis 18 ans, les gestionnaires de son service l'informent qu'il n'a pas les compétences requises et il est mis en disponibilité. Le syndicat des professionnels décide de déposer un grief à l'endroit de la Ville pour ce nouveau geste de représailles et M. Tanisma a pu réintégrer son poste.

Il convient de souligner qu'en 2001, le CRARR a publiquement fait une mise en garde au Comité de transition quant aux mesures de dotation telles que celles impliquées dans le cas de M. Tanisma.

« Cette décision historique démontre de nouveau l'importance capitale pour la Ville et les élus de mettre en œuvre réellement les principes d'égalité en emploi sans discrimination raciale directe ou systémique, notamment l'accès aux postes décisionnels de cadres », déclare le directeur général du CRARR, Fo Niemi.

« Il est essentiel que lors des prochaines élections municipales ce novembre, les candidats se positionnement de façon concrète et non équivoque sur l'accès à l'égalité en emploi pour les minorités visibles à la Ville ».

Notons que depuis la création du Tribunal des droits de la personne du Québec en 1990, aucun cas de racisme systémique dans l'emploi n'a été porté par la CDPDJ devant ledit tribunal.