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LE MINISTRE DE LA JUSTICE INTERPELLÉ AU SUJET DES PROBLÈMES DANS LES ENQUÊTES SUR LA DISCRIMINATION RACIALE



Montréal, 10 mai 2013 --- Le ministre de la Justice du Québec, M. Bertrand St-Arnauld, a été formellement interpellé par le CRARR au sujet de sérieux problèmes dans le traitement de plaintes de discrimination raciale à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

Le refus de la part de la haute direction de la CDPDJ et des responsables des enquêtes de répondre aux demandes écrites d’explications ou de donner suite aux signalements d’irrégularités dans les dossiers d’enquête, ainsi que le défaut de communiquer avec les victimes et leur représentants dans le cadre de l’évaluation préliminaire de certaines plaintes, ne sont que quelques-uns des problèmes systémiques qui ont été répertoriés.

Dans trois cas récents, impliquant un total de neuf personnes de race noire, des demandes écrites de renseignements et d’explications concernant certaines pratiques d’enquêtes discutables, adressées aux gestionnaires, sont demeurées lettres mortes pendant des semaines.

Dans un cas en particulier, la CDPDJ a pris presque sept mois pour demander qu’une plainte déposée par le CRARR au nom de six étudiants noirs dans un programme de formation collégiale soit scindée en des plaintes séparées alors que cette plainte avait déjà fait l’objet d’une évaluation préliminaire six mois plus tôt sans que ce besoin ait été signalé. Une lettre adressée à la direction du service des enquêtes en février 2013 demandant des précisions écrites à ce sujet n’a donné aucune réponse écrite claire.

Dans un autre cas de discrimination raciale dans l’emploi où une femme noire soulève une crainte de partialité dans l'enquête, une lettre adressée à la direction du service d’enquête à ce sujet, vers la mi-avril 2013, n’a pas eu de suite.

En 2011, la CDPDJ s’était engagée dans son Rapport de consultation publique sur le profilage racial à « assurer un meilleur suivi auprès des plaignants afin de les tenir mieux informés de l’évolution du traitement de leur plainte, et ce, à toutes les étapes du processus » (p. 108) et à se prévaloir d’autres mesures visant un meilleur traitement de plaintes de profilage racial (et discrimination raciale). Les demandes de renseignements ignorées par la direction au cours des six derniers mois démontre que cet engagement n’a pas été respecté.

D'autres problèmes, dont les pratiques d'enquêtes d’empiler des témoins en faveur de la partie mise en cause, d’ignorer les témoins de la victime et de refuser de demander à la victime de proposer des témoins (notamment dans les plaintes touchant le milieu d'éducation), ont été fréquemment répertoriés.

À titre d’exemples, dans une plainte portant sur la discrimination ethnique dans la formation professionnelle à l’endroit d’un immigrant, l’enquêtrice recueille 7 témoignages des représentants d’un cégep et ne demande même pas si la victime a des témoins de son côté, dont son épouse, qui pourraient corroborer certaines versions des faits.

Dans un cas de discrimination raciale dans l’emploi au sein de la fonction publique à l’endroit d’un fonctionnaire noir, l’enquêteur recueillait des témoignages de nombreux représentants de l’employeur sans jamais communiquer avec aucun des témoins proposés par la victime.

Cette pratique d’empiler des témoins en faveur de la partie mise en cause mène logiquement au rejet éventuel d’une plainte pour insuffisance de preuve, bien qu’elle donne l’impression qu’une enquête complète et équitable a été menée.

Finalement, le délai de plus en plus inquiétant dans le traitement de plusieurs dossiers (certaines plaintes déposées en 2008 et 2009 ne font pas encore l'objet de décision), suscite également des préoccupations. Dans certains dossiers, un enquêteur n’est pas nommé au dossier pendant plusieurs mois et dans d’autres, aucune activité d’enquête n’a lieu pendant presque deux ans, parfois sans aucune explication, parfois à cause des ressources insuffisantes. Or, il est connu que le délai entraîne la perte de la preuve cruciale et pertinente, sans mentionner le découragement des victimes.

Contrairement à un grand nombre d’organismes de l’État québécois, la CDPDJ n’est pas assujettie au Protecteur du citoyen ou à un mécanisme de contrôle ou d’examen externe en cas de pratiques administratives irrégulières, étant donné qu’elle relève directement de l’Assemblée nationale. Or, l’Assemblée nationale n’a aucune procédure formelle équivalente à l’enquête du Protecteur du citoyen à laquelle les citoyens peuvent faire appel.

Plusieurs victimes touchées par ces problèmes et assistées par le CRARR, dont une quinzaine de personnes de race noire, arabe, asiatique et latino-américaine, solliciteront une rencontre personnelle avec le ministre St-Arnaud et les députés de l'opposition pour faire part de leurs doléances et pour demander des mesures correctrices durables.