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RACISME DANS L’EMBAUCHE : UN AGENT DE SÉCURITÉ ARABE POURSUIT L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE POUR PLUS DE 160 000 $


Montréal, 15 mars 2013 --- Un agent de sécurité d’origine marocaine a poursuivi son employeur actuel, l’École polytechnique, pour discrimination raciale dans l’embauche et réclame plus de 160 000 $ de l’institution.

L’affaire remonte à 2005, lorsque M. Omar Chaârani postule pour un poste d’agent de sécurité à l’École polytechnique de Montréal (EPM). Possédant sept ans d’expérience dans le domaine de la sécurité privée à Rabat au Maroc et deux ans au Québec, il a effectué avec succès l’entrevue de sélection et l’examen médical pré-embauche, mais l’EPM n’a pas retenu sa candidature. En 2006, un nouveau responsable de la sécurité était en place et l’EPM était de nouveau à la recherche d’agents de sécurité; M. Chaârani a postulé de nouveau et sa candidature a été retenue cette fois-ci.

C’est à ce moment qu’il découvre plusieurs éléments de preuve, dont les témoignages de certains collègues de travail, à l’effet qu’il n’a pas obtenu le poste en 2005 car le responsable du service, A.O., ne voulait pas de candidats musulmans ou arabes dans son service. M. Chaârani constata également, en 2006, qu’il était le seul immigrant parmi les agents de sécurité en place et qu’avant son arrivée, il n’y avait pas d’agents issus des minorités ethnoculturelles.

Avec ces informations, il a logé des plaintes de discrimination raciale auprès des instances internes, dont l’Ombudsman de l’EPM, qui les ont ensuite rejetées. En juillet 2007, il mandate le CRARR de déposer une plainte en son nom auprès de la CDPDJ.

Quatre ans plus tard, en mai 2011, la CDPDJ rend une décision en sa faveur, recommandant que l’EPM lui verse 5 000 $ en dommages moraux et A.O., le responsable du service, 5 000 $ en dommages punitifs. En outre, la CDPDJ recommande à l’institution de lui « reconnaître … une ancienneté non concurrentielle rétroactive au mois de juin 2005 avec tous les droits et privilèges afférents à ce poste ».

Cependant, la CDPDJ reste équivoque sur les dommages matériels, qui sont réclamés par le CRARR dès le début. Or, le refus discriminatoire du poste en 2005 qu’il a subi créé un autre préjudice néfaste dans son travail actuel : en raison de la perte de près 10 mois de travail avant d’obtenir le poste, M. Chaârani travaille encore, jusqu’à ce jour, sur une base « sur appel » et jouit moins d’ancienneté et d’avantages sociaux que ses collègues embauchés en 2005.

Constatant que la CDPDJ a mené une enquête incomplète qui a pour effet de minimiser ses pertes matérielles, que son syndicat et lui estiment être à environ 133 000 $ en salaires et avantages sociaux, M. Chaârani a, avec l’aide du CRARR, tenté d’obtenir lui-même des données pour expliquer ces pertes pour les fournir ensuite à l’avocate responsable de son cas à la CDPDJ.

Après presque douze mois de va-et-vient avec la CDPDJ, M. Chaârani et le CRARR réalisent qu’ils étaient en train de faire le travail de recherche et d’analyse actuariele que la CDPDJ elle-même n’a pas fait et aurait dû faire pendant quatre ans d’enquête.

Par ailleurs, M. Chaârani et le CRARR estiment que le montant total des dommages moraux et punitifs réclamés par la CDPDJ, ne reflète pas la gravité du caractère intentionnel et des effets des actes discriminatoires. Notons que déjà en 1994, la CDPDJ a réclamé 5 000 $ dans un cas de refus d’embauche « direct et brutal » d’une personne de race noire, et en 2007, 13 000 $ dans un cas de refus discriminatoire dans la sélection du CV d’un homme d’origine arabe.

« Le montant des dommages réclamé ne reflète ni le taux d’inflation au cours des 15 dernières années, ni la situation critique du racisme dans l’emploi dirigé contre les immigrants d’origine arabe et racisés en 2011 », note M. Chaârani. « Réclamer 5 000 $ pour un refus discriminatoire dans l’embauche et omettre d’examiner pendant presque 4 ans d’enquête les pertes matérielles dont j’ai été victime, c’est faire preuve de manque de rigueur dans la lutte contre le racisme dans l’emploi », ajoute-t-il.

C’est en réaction aux dommages recommandés peu élevés que M. Chaârani a hésité depuis mai 2011 de signer le mandat autorisant la CDPDJ de le représenter devant le Tribunal des droits de la personne. Il craignait qu’en le signant, il accepterait effectivement la position de celle-ci d’ignorer les dommages matériels et de réclamer des dommages moraux et punitifs minimes.

En juin 2012, la CDPDJ avise M. Chaârani de sa décision de fermer son dossier. Du même coup, elle décide de l’empêcher de porter son cas, même à ses frais, devant le Tribunal des droits de la personne.

« C’est dommage que l’option d’aller devant le Tribunal des droits de la personne ait été refusée à M. Chaârani, alors que la Commission possède ce pouvoir discrétionaire de le lui permettre », note Me Aymar Missakila, avocat de M. Chaârani. « À cause de son expertise et de ses pouvoirs conférés par la loi, le Tribunal est le forum idéal pour une victime de racisme dans l’emploi pour obtenir justice ».

Nullement découragé par cette décision, M. Chaârani, à ses frais, poursuit l’EPM et A.O. devant la Cour supérieure du Québec, où il leur réclame 133 000 $ de dommages matériels, 25 000 $ en dommages moraux et 10 000 $ en dommages punitifs. Le CRARR continuera à appuyer M. Chaârani.