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DÉCISION : SUSPENSION DE CINQ JOURS SANS TRAITEMENT POUR LES DEUX POLICIERS IMPLIQUÉS DANS L’AFFAIRE JOEL DEBELLEFEUILLE



Montréal, 10 décembre 2012 --- Dans une décision rendue la semaine dernière, le Comité de déontologie policière a ordonné une suspension de cinq jours sans traitement pour chacun des deux policiers de Longueuil impliqué dans l'affaire Joel Debellefeuille, pour avoir commis du profilage racial et des infractions au Code de déontologie des policiers.

En fait, le Comité a statué que les policiers Salim Ojeil et Catherine Brunet soient suspendus pour 5 jours sans traitement en raison des comportements basés sur la race quand ils ont intercepté M. Debellefeuille en 2009 et pour 5 jours en raison de l'interception et de la détention illégale de ce dernier et ce faisant, pour ne pas avoir respecté la loi et collaboré à l'administration de la justice. Cependant les suspensions sont purgées de manière concurrente.

« Je suis très heureux d'avoir mené la bataille contre le profilage racial pendant trois ans », affirme M. Debellefeuille. « J'ai les moyens pour défrayer les coûts de la justice et j'ai mené cette lutte non seulement pour moi et ma famille, mais aussi pour toutes les personnes noires et racisées au Québec qui ont été trop souvent le cible de profilage racial mais qui n'ont pas les moyens ou la détermination pour aller jusqu'au bout », dit-il.

« La gravité de l'inconduite des policiers se caractérise par le fait que le véritable motif de l'interception de M. Debellefeuille était l'absence de correspondance entre la couleur de sa peau et le nom « québécois » du propriétaire du véhicule », constate le juge Pierre Gagné. « Selon le Comité, de tels comportements vont à l'encontre de l'objectif du Code, … puisqu'il met en cause le respect des droits et libertés de la personne… [et] compromet la confiance et la considération qui doivent exister », précise le Comité.

Par ailleurs, ce serait l'une des rare fois que des policiers admettent avoir agi en fonction de la race du conducteur pour l'interpeller.

Résident sur la Rive-Sud, M. Debellefeuille est interpellé en juillet 2009 par deux policiers de Longueuil pendant qu'il conduisait sa famille dans son BMW. La situation dégénère après l'échange et il reçoit deux billets de contravention au Code de la sécurité routière, pour entrave (défaut de fournir les pièces d'identification du véhicule) et défaut d'avoir des papiers d'assurance à jour.

En juin 2010, lorsqu'il conteste l'infraction d'entrave à la Cour municipale de Longueuil, il prend connaissance pour la première fois du rapport d'infraction dans lequel le motif discriminatoire est écrit noir sur blanc : « le véhicule appartenait à un certain Debellefeuille Joël, il s'agissait d'un homme de race noir (sic) qui ne correspondait pas à première vue au propriétaire. Debellefeuille sonne comme un nom de famille québécois et non d'une autre origine ». Malgré le fait que durant le procès, monsieur Debellefeuille soulève le fait qu'il a été victime de profilage racial lors de l'interpellation, le juge Marc Gravel le déclare coupable. Tout en écartant la défense de profilage racial soulevée par M. Debellefeuille, le juge considère que les les allégations de profilage et de violation conséquente des dispositions du Code de déontologie des policiers soulevées ne peuvent être prises en considération étant donné que la Cour municipale n'a pas compétence sur ce Code.

Après le procès, il contacte le CRARR pour lui demander de déposer une plainte en déontologie policière et une autre, en discrimination. La Commission des droits de la personne n'a pas pu retenir la plainte de discrimination étant donné le délai de prescription de six mois pour prendre un recours civil contre une municipalité.

Monsieur Debellefeuille porte ensuite la décision en appel pour contester le fait que la cour a incorrectement appliqué la jurisprudence canadienne en matière de profilage racial. Il cherche aussi à faire déclarer l'acte policier comme étant du profilage racial et comme un moyen de permettre l'annulation du verdict de culpabilité.

Dans sa décision rendue en novembre 2011, le juge Jerry Zigman de la Cour supérieure conclut que le juge de première instance a commis une erreur en ne prenant pas en considération la défense du profilage racial que M. Bellefeuille a invoquée lors de la comparution. Il ordonna un nouveau procès à la Cour municipale.

Dans une nouvelle décision de la Cour municipale, rendue en septembre 2012, le juge Pierre-Armand Tremblay a effectué un résumé exhaustif de la jurisprudence en matière de profilage racial, du point de vue du droit criminel et du droit de la personne. Il a conclu que M. Debellefeuille a été victime de profilage racial et a acquitté celui-ci. En outre, le juge a dénoncé les stéréotypes raciaux qui ont mené les policiers à croire qu'un homme noir ne peut avoir un nom de famille québécois.

« Aujourd'hui, j'incite toutes les personnes noires et racisées au Québec à se mettre debout et à agir quand il se sentent discriminées et l'objet de profilage. La victoire est possible, les changements viendront et la justice prévaudra éventuellement quand les gens réclament leurs droits », ajoute M. Debellefeuille.

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