Fondé en 1983 --Unis pour la diversité et l'égalité raciale

UNE AIDE FAMILIALE RÉSIDANTE DÉPOSE UNE PLAINTE DE DISCRIMINATION CONTRE IMMIGRATION QUÉBEC


Montréal, 6 juillet 2012 --- Une aide familiale résidante d'origine philippine a déposé une plainte de discrimination contre le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec (MICC), après qu’une conseillère ait refusé de lui accorder une entrevue dans le cadre de sa demande de certificat de sélection du Québec (CSQ).

Le refus a été motivé par le fait qu’étant en congé maternité, elle ne pouvait donc pas être considérée comme étant « active sur le marché du travail ». Être « actif sur le marché du travail » dans le cadre du programme d'aides familiales résidantes signifie qu'on soit souscrit à un contrat de travail lors de la demande.

Il est rare qu'une plainte soit déposée par une aide familiale résidante contre le MICC pour discrimination; dans ce cas, la discrimination est fondée sur le sexe combinée avec l’origine nationale et autres motifs.

Cette jeune femme d’origine philippine, Jane (nom fictif), est arrivée au Canada en 2006 par le Programme des aides familiaux résidants. Après avoir travaillé comme aide familiale, Jane a obtenu un permis de travail ouvert qui a expiré en avril 2011 et a été renouvelé en juillet 2011. En avril 2011, elle est partie en congé de maternité pour un an et a accouché de son fils dans un hôpital local en mai.

Peu après la naissance de son fils, sa carte d’assurance maladie a expiré. Elle a appelé la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), et s’y est rendue pour présenter une demande de renouvellement. Elle a profité de l’occasion pour faire aussi la demande de la carte RAMQ pour son fils, né au Canada. Selon une clause de la RAMQ, tout enfant né au Canada de parents migrants a un statut égal à celui de ses parents. Ainsi, bien que le fils de Jane soit né au Canada et qu’il satisfasse aux critères de résidence au Québec, la RAMQ lui a refusé sa carte d’assurance maladie. À cette époque, Jane ne détenait pas le CSQ et le permis de travail qu’elle avait obtenu ne lui donnait pas accès à la couverture de la RAMQ.

Après son passage à la RAMQ, Jane a finalement reçu l’avis du MICC concernant la date de son entrevue pour le CSQ. Elle s’est présentée en juillet 2011 pour l’entrevue, qui fut interrompue d’emblée par une conseillère lorsque celle-ci a réalisé que Jane était en congé de maternité. Selon cette fonctionnaire, le MICC ne délivre pas de CSQ aux candidats qui ne sont pas « active sur le marché du travail ». Avant son congé de maternité cependant elle avait payé des prestations qui auraient dû couvrir le congé.

Plus tard, Jane est retournée à la RAMQ pour faire une nouvelle demande pour son fils et a été dit à nouveau qu’il n’était pas admissible à la couverture de la RAMQ étant donné la précarité de son statut à elle en tant que travailleuse temporaire; autrement dit, le statut de citoyen canadien de son fils était jugé secondaire et assujetti au sien. Comme recommandé par l’interviewer, elle a fait part par écrit de sa condition et de sa demande à la direction de la RAMQ.

En décembre 2011, Jane s’est présentée pour une nouvelle entrevue au MICC concernant sa demande de CSQ et a été approuvée; elle a finalement reçu son CSQ par la poste avant Noël. Par la suite, la couverture de la RAMQ a été enfin approuvée pour son fils et pour elle.

Cette situation a été très stressante pour Jane en tant que jeune mère. Elle avait pleine conscience que, dans l’éventualité d’une urgence médicale, son fils n’aurait aucune couverture, même s’il était légalement un citoyen canadien (la RAMQ pratique souvent ce type d’exclusion malgré des décisions judiciaires la déclarant discriminatoire et illégale). Pendant les six mois que son fils n’était pas couvert par la RAMQ, Jane a dû payer ses contrôles médicaux réguliers et ses consultations de sa propre poche, des factures qui lui ont coûté au moins 200 dollars et qui lui ont causé des difficultés financières étant donné ses faibles revenus en tant que travailleuse domestique. De surcroît, la situation a rendu Jane anxieuse et mal à l’aise lorsqu’elle devait traiter avec des fonctionnaires qui agissaient de manière carrément discriminatoire et illégale.

Jane a mandaté le CRARR pour déposer une plainte en son nom à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) contre le MICC pour discrimination fondée sur le sexe en combinaison avec l’origine nationale, la race, l’état civil et la condition sociale. Outre les revendications de violations de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, la plainte invoque également la violation de la clause « Protection égale », soit l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que d’autres conventions internationales comme celles relatives aux droits de la femme et de l’enfant.

« L’égalité entre les sexes est une valeur fondamentale au Québec, et le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix, selon la Charte du Québec », invoque la plainte. « Ainsi, cette pratique de la part du [ministère mis en cause] contre une femme immigrante et racialisée exige des sanctions sévères en vertu de la Charte du Québec ».

Le CRARR mentionne aussi que cette pratique est une violation flagrante des principes énoncés par la Convention concernant le travail décent pour les travailleurs et travailleuses domestiques de l’Organisation internationale du Travail, adoptée en 2011, notamment l’article 14 :

Article 14

1. Tout Membre doit prendre des mesures appropriées, conformément à la législation nationale et en tenant dûment compte des caractéristiques spécifiques du travail domestique, afin d’assurer que les travailleurs domestiques jouissent, en matière de sécurité sociale, y compris en ce qui concerne la maternité, de conditions qui ne soient pas moins favorables que celles applicables à l’ensemble des travailleurs.

2. Les mesures visées au paragraphe précédent peuvent être appliquées progressivement en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, et lorsqu’elles existent, avec les organisations représentatives de travailleurs domestiques et celles d’employeurs de travailleurs domestiques.

Les revendications de la plainte englobent des dommages moraux et punitifs, l’adoption par le MICC de lignes directrices de politique sur le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi des aides familiaux résidants et de toutes les femmes travailleuses immigrantes ou migrantes qui utilisent ses services et programmes, ainsi que la formation anti-discriminatoire obligatoire des conseillers du ministère.

Jane n’est pas la seule aide familiale résidante à se heurter aux problèmes de discrimination dans de différents programmes et politiques du gouvernement, mais elle est l’une des rares à agir contre la discrimination. Une autre aide familiale a dépensé plus de 7 000 dollars en frais médicaux pour son fils né au Canada en raison d’actes d’exclusion similaires.

Ces barrières ont été discutées lors de la table-ronde organisée par le CRARR en mars 2012 sur la Convention du BIT. En outre, elles ont été abordées dans une vaste étude de la situation publiée plus tôt cette année par la CDPDJ. La plainte de Jane offre ainsi à la Commission l’occasion de mettre en avant, au moyen d’une action en justice, un bon nombre de ses recommandations et engagements concernant l’égalité de droits des travailleuses migrantes ou des aides familiales résidantes au Québec.

Pour lire le résumé de l’étude de la Commission :
http://www.cdpdj.qc.ca/publications/Documents/Avis_travailleurs_immigran...